Problème Tchadien: Indifférence et Déficit Communicationnel!
De nos jours, la capacité et l’habilité d’une communauté, société ou d’un groupe à réagir promptement et efficacement contre ce qui opprime ou ce qui se passe au niveau tant local que global c’est son système de communication: manière de circuler et partager l’information. Un bon réseau de communication, c’est ce qui permet aux individus de rester vigilants, informés et éduqués de ce qui se passe autour d’eux. Au Tchad et dans la diaspora, rien ne nous unit et tout nous divise! Il y a un déficit communicationnel de taille, donc pas d’entente, au Tchad et entre Tchadiens. L’indifférence partout et dans toutes les couches de la société tue l’idée d’organisation politique chez nous. Car l’intérêt personnel supplante le patriotisme.
Politiquement, beaucoup d’entre nous profitent des échecs du MPS et des imperfections du Président Idriss Deby pour alimenter des débinages sans incidences majeures sur le changement que tout le monde souhaite dans le pays. Que ce soit au Tchad ou partout dans les communautés tchadiennes que je connais, les ragots, les on-dit, les délations, trahisons et assassinats de caractères etc. constituent des modes de communication de prédilection chez les Tchadien(ne)s. Ces bavardages personnels empêchent de mener des discussions éclairées concernant les conditions politico-sociaux du pays et d’accoucher des solutions de sorties de crises. Le mot chic de ce genre de communication dans nos communautés c’est le Kongossa.
Depuis l’avènement de la démocratie dans le pays et des autoroutes de la communication (Internet), une bonne partie de la couche de la population tchadienne alphabétisée à accès au moins aux diverses sources de media pour s’informer et communiquer. Mais le hic est que cette petite communauté tchadienne instruite du pays et de la diaspora se sert mal des multimédia d’information et de communication à sa disposition pour échanger et provoquer une prise de conscience du problème tchadien. Par exemple, aucun des opposants politiques qui ont appelé au boycott des dernières élections présidentielles au Tchad n’a pensé utiliser l’Internet pour donner les dernières consignes après leur interdiction de tenir des meetings à travers le pays. En fait, ces outils de communication et d’information qui permettent d’échanger à distance sur tous les sujets sont mal partagées, gérées et négociées par les Tchadiens - de N’djamena à Montréal en passant par Cotonou, Dakar et Paris.
C’est dire qu’il n’y a pas d’osmose entre Tchadiens de l’intérieur et de l’extérieur dans la production et le partage d’information d’événements sociopolitiques ou de convergence d’idées via le Net. Le peu de communication ou de partage d’information qui se passe entre les deux extrêmes (surtout sur les blogs) n’est basée que sur des nouvelles glanées derrière les séckos de N’djamena ou d’opinions fumeuses d’individus en mal de réputation et sensation. En outre, toutes les générations de tchadien(ne)s communiquent à peine sur le problème tchadien. Elles se vouent une haine personnelle, tribale et régionale inouïe partout ou elles se trouvent. Alors, tout cela constitue déjà un poison et un frein à la cohésion nationale, à l’entente sur les principes de base d’une nation, et surtout au redressement politique que tout le monde souhaite ardemment. Ainsi, voyons, si les Tchadiens ne savent pas s’organiser politiquement, s’unir, communiquer et discuter de leur avenir et du pays, en quoi le Président Deby ou le MPS en sont-ils responsables? Doit-on apprendre ici aux Tchadiens à faire des grimaces ?
Au lieu que les nouvelles technologies de l’information et de la communication aident à rapprocher les diverses générations de tchadiens afin de mieux communiquer et échanger à distance sur le devenir tant politico-social qu’économique du pays, ces outils ne servent qu’à afficher nos complexes identitaires tribaux et religionnaires en proférant des insultes insensées. Il y a rarement de commentaires et contributions positifs aux débats. Pour preuve, il n’y a qu’à faire un tour sur les blogs tchadiens ou assister à une rencontre (politique ou sociale) d’une communauté tchadienne! Le pire c’est qu’on oublie qu’il y a des non tchadiens qui fréquentent ces blogs ou rencontres pour s’informer de la politique tchadienne. Alors, quelle image ou idée ces visiteurs auront-ils des Tchadiens et de leur maturité politique à communiquer entre eux? L’autre bévue est que la médiocrité est plus exaltée que la compétence à tous les niveaux de débats. Par conséquent, tout ce manque de débats constructifs et d’activisme politique n’est pas à mettre indument aux actifs du Sultan Deby. C’est plutôt à mettre aux comptes de l’agoraphobie des Tchadiens.
Bref, faites un tour sur Facebook ou Hi5 et vous verrez comment les Tchadiens échangent leurs points de vue sur ces réseaux sociaux. Certain(e)s Tchadien(ne)s ont presque 4000 amis ou correspondants. Dans d’autres pays, cela constitue déjà une base politique à sensibiliser. Mais ce qui est marrant chez les tchadiens sur Facebook et Hi5 c’est qu’ils utilisent les ‘thumbs-up’(levés de pouce) pour se féliciter des photos, chemises, robes et casquettes qu’ils portent et affichés sur leur page de garde! Aucune discussion ou communication sur leur communauté ou pays! Voilà l’avantage que la jeunesse tchadienne qui veut le changement tire de l’usage des multimédia ou réseaux sociaux. Quel changement peut-on apporter quand une jeunesse est si inconsciente de son avenir ?
Comment peut-on faire une révolution ou arriver à changer un régime dans un pays où les gens se communiquent à peine? Que faire quand les associations et les partis politiques ne communiquent pas avec leurs bases? A quoi s’en tenir quand les étudiants et les enseignants ne s’accordent sur rien et ne se soutiennent plus? Sur qui compter quand les travailleurs se désolidarisent de leurs syndicats pour aller chercher une pitance personnelle? Que peuvent dire les intellectuels quand ils sont complices devant ce qui opprime? Qui peut conscientiser les enfants quand mari et femme se déchirent pour servir un régime à leur profit individuel? Ainsi, l’alibi comme quoi Deby est le seul responsable du malheur des Tchadiens doit cesser d’exister dans nos subconscients! C’est vrai que Deby est à la tête du pays ; mais n’a-t-il pas dit aux politiciens tchadiens qu’ils gèrent tous ce pays (en bien et en mal)? N’a-t-il pas dit aux Tchadiens que ce pays les appartient et qu’il s’en fout s’ils ne veulent pas le construire? En plus, Deby est-il vraiment partout en train d’empêcher aux Tchadiens de s’organiser, de communiquer et de s’entendre sur les principes élémentaires de leur vie en communauté ou de lutte politique ?
Si Idriss Deby s’en sort bien dans cette bouillabaisse tchadienne, c’est que les Tchadiens dans leur majorité lui donnent la chance d’exploiter l’incapacité politique qu’ils affichent à s’unir et communiquer pour exiger le changement. Le Président Deby lui au moins sait ce qu’il veut en tant que politicien et y met les moyens pour y réussir. Voilà la différence que les rêveurs d’un avènement politique au Tchad oublient du répondant qu’à Idriss Deby face à l’adversité. Je ne dis pas cela pour m’attirer les grâces de N’djamena, mais pour étayer simplement mes propos et demander aux Tchadiens d’être conséquents dans leurs dires et comportements politiques face au rêve du changement! C’est en s’organisant en communautés et en communiquant entre Tchadiens qu’on pourrait aider le pays à sortir de son carcan sociopolitique. Nous sommes victimes de nos propres indifférences et isolements politiques. D’ailleurs Deby lui-même n’est-il pas otage de son clan et de ses sponsors ? Si j’étais marxiste je dirais ‘populations tchadiennes unissez-vous d’abord’. Cherchons désormais à savoir échanger positivement afin de communiquer à Deby le changement à la tchadienne!
Laounodji M.Monza
Washington DC