La peur noire et le printemps arabe
2011 est une année spéciale et pleine d’enseignement. Rien n’est éternel et facile même de mettre fin à la confiscation du pouvoir, au règne de l’arbitraire et à la flagrante injustice sociale. Avec la révolution tunisienne, c’est le retour du gouvernement du peuple par le peuple. Qui aurait cru ?
Pour les dirigeants du monde africano- arabe l’an 2011 s’annonce mal. Inspirés par la révolution tunisienne, les citoyens ont compris le degré de l’enfer qu’ils vivent. Le changement du régime est le leitmotiv de toutes les contestations dans le Maghreb et le monde arabe. « Al chabyouridhouriya » (Ndlr : le peuple veut la liberté) clame-t-on de Benghazi à Manama. Avec ces contestations qui se durcissent de jour en jour, un nouvel horizon se lève au Maghreb et dans le monde arabe. Qu’il est beau de vivre dignement et dans la liberté ! Pour ce fait, la révolution de jasmin a été l’élément catalyseur à l’origine de la chute des régimes despotique et mafieux, au pouvoir depuis plus de deux (2) décennies. Ben Ali et Moubarak sont tombés comme des fruits pourris. La liste n’est pas encore close. Kadhafi, qui la fin de sa gloire à sonner, se débat encore pour sauver son Tripoli. Même s’il réussira, il ne peut échapper, cette fois-ci, à la CPI pour crime contre l’humanité et crime de guerre. Et ce ne sont pas les concessions faites par les présidents El Béchir, Saleh et Bouteflika qui tiédiront les malaises dans leurs pays, déjà en proie à des contestations.
Face à ce qui se trame dans le monde arabe, particulièrement chez le panafricaniste Kadhafi, l’Afrique subsaharienne n’est sourde. Elle n’est exempt des maux qui ont été à l’origine de la révolte de Sidi Bouzid, d’Alexandrie ou de Benghazi, Partout, le malaise s’est enraciné, avec ses corollaires l’inflation, l’exclusion, la marginalisation des diplômés, le népotisme, l’exode. Pour la Tunisie et l’Egypte, ce n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pareillement, cela est aussi possible dans certains pays africains, surtout issus du « pré-carré » du fait de la longévité des chefs d’Etat qui les dirigent et de la cherté de vie. Le Burkina Faso (Compaoré 24 ans au pouvoir), le Congo (Sassou 27 ans), le Cameroun (Biya 29 ans), le Gabon (les Bongo 44 ans), la Guinée Equatoriale (Obiang 31 ans), le Tchad (Deby 21 ans) et le Togo (les Eyadema 44 ans) sont les exemples des Etats subsahariens qui sont gouvernés par les mêmes hommes depuis plus de 20 ans. Avec les nouvelles tournures des évènements, surtout en Libye, ces Etats demeurent sur le qui-vive. L’effet domino est redouté.Peut-être avec la chute de Ben Ali et de Moubarak achemine-t-on vers la fin de la cécité de la communauté internationale qui a été trop complaisante avec les dérives autocratiques ? Cela n’apparait – il comme un signal fort lancé aux autres qui ont confisqué le pouvoir depuis 20 ans ?
Pour nombre d’analystes et observateurs, la révolution de jasmin reste la nouvelle marque de contestations populaires et une voie idoine pour renverser les régimes dictatoriaux installés en Afrique qui refusent toute alternance démocratique. Même à défaut d’une opposition démocratique, cheville ouvrière du changement, toute population peut se lever et chasser les régimes semi- éternels. Cependant selon certains dires, ce qui s’est passé en Tunisie ou ce qui se passe en Libye, Bahreïn et Yémen n’est transposable guère en Afrique noire du fait des variables sémantiques. Absurde allégation. Tout comme l’Afrique noire, le monde arabe n’est constitué d’une seule entité ethnique, linguistique et confessionnelle. Même si les arabes prédominent, d’autres peuples s’y trouvent comme les berbères.De même lors des soulèvements populaires, ce ne sont pas uniquement les arabes qui ont manifesté. C’est le tout peuple sans distinction qui a exprimé sa rage. Donc une telle affirmation dénote du non-sens quand on évoque l’impossibilité de similaires soulèvements en Afrique noire.
Toutefois, il est à noter que le peuple subsaharien est moins révolutionnaire et audacieux. Il est à majorité constitué des froussards et s’apparait comme fataliste. Il a peur de mourir, d’être tué et n’a pas confiance en son armée. Néanmoins, il n’y a pas à se leurrer. Point de similarité entre l’armée tchadienne, camerounaise, congolaise ou gabonaise et l’armée tunisienne ou égyptienne qui est du côté populaire. Durant toutes les manifestations, elles ont protégé les citoyens que de les violenter. Or cela ne saurait être le cas au Cameroun ou au Congo. Voilà pourquoi, on traite les subsahariens indifféremment. Sinon, les peuples du monde arabe ne sont pas si unis qu’eux. Il suffit de se dépasser et à l’unisson pour acquérir ce qui est cher dans la vie : la liberté, la dignité et le bien- être. Pour tout triomphe, il faut mourir en avançant. Et si on a peur de la mort, mieux de ne pas allumer la flamme de l’espoir.Car derrière tout soulèvement populaire, toute révolution apparaissent des innocents morts. Si l’Africain subsaharien parvient à vaincre sa torpeur, sa méfiance et crainte, le changement démocratique tant attendu jaillira et le souffle de la liberté illuminera tous les coins.
Si le printemps arabe se heurte encore dans le Sahara et désert libyen, ce que les noirs subsahariens évitent toute boucherie, connaissant parfaitement les régimes qui les tiennent. En attendant, le mieux est de se résigner et de boucher les narines pour ne pas asperger l’odeur du Jasmin. Comme on dit au Tchad « al khawafirabiiyala » (le peureux peut élever ses enfants).
Hassana Djiddah Abdoulaye