Hommage de Yorongar à Kamougué
Vidal,
Si aucun d’entre nous deux, (Saleh Kebzabo et moi) ne t’a accompagné à ta dernière demeure à Moïssala, c’est pour des raisons suivantes : Après les cérémonies à la place de l’indépendance, Saleh Kebzabo a pris son avion pour l’Afrique du Sud pour plaider notre cause. En ce qui me concerne, j’ai le choix entre t’accompagner et m’occuper de notre recours en annulation du scrutin des présidentielles du 25 mai 2011 auquel toi, Saleh et moi-même tenons tant et qui est, entre autres, à l’origine de nos malheurs.
Vidal,
Appelant au boycott, toi, Saleh Kebzabo et moi-même avons créé une dynamique qui a suscité l’espoir et l’engouement des Tchadiens de tous bords politiques.
Les sceptiques ne donnaient pas long feu à cette dynamique. Ils prévoient notre éclatement et pourtant, armés par la seule détermination et la volonté politique inébranlable, nous avons tenu ferme jusqu’à ce lundi fatal du 9 mai 2011, date à laquelle tu as décidé, armes à la main, en bon soldat politique de tirer ta révérence.
Chaque fois, tu n’hésites pas à nous rappeler fièrement à notre devoir de solidarité.
Un jour, Saleh et moi te proposons d’être notre unique candidat porte-drapeau de l’opposition au cas où le pouvoir cèderait à nos exigences légitimes et à défaut au cas où le scrutin succomberait à notre recours en annulation devant le Conseil Constitutionnel.
En réponse, tu nous dis invariablement, je te cite : «Mes chers amis, nous avons commencé ensemble, nous allons continuer ensemble pour finir ensemble selon la volonté de Dieu».
Oui, malgré les intimidations et les tentatives de corruption, notre groupe a tenu jusqu’au bout et les Tchadiens ont suivi notre mot d’ordre.
Ayant vécu le résultat de notre appel au boycott sur le terrain, tu as décidé de ne pas assister aux résultats de cette honte électorale que la CENI s’apprête à proclamer le soir même de ta mort suspecte.
Tu es un exemple de courage politique et d’abnégation pour les jeunes compatriotes.
En effet, je rappelle, pour mémoire, qu’aussitôt après les élections législatives du 13 février 2011, des cabales sont montées de toutes pièces contre toi et moi pour nous neutraliser afin que nous ne présentions pas notre candidature aux présidentielles du 3 avril 2011, reportées au 24 puis au 25 mai 2011.
C'est ainsi que pour parvenir à cette fin macabre, nous sommes accusés de vouloir créer une rébellion armée au sud du pays. Un militant de FAR/PARTI FEDERATION, enseignant de son état et membre de la CENI sous-préfectorale de Moussafoyo (Moyen-Chari), M. Djasrabeye Tendiguem, a fait l'objet de tentative d'arrestation par un responsable de la police politique. Ayant échoué dans son opération parce que M. Djasrabeye Tendiguem s'est caché et aussi grâce à la publicité faite par nos militants et par moi-même autour de cette affaire, ce responsable de la police politique a décidé de rentrer à N'Djaména tout en recommandant au Gouverneur de présenter ses excuses à sa victime.
Après la proclamation de la liste des candidats aux présidentielles et surtout après notre courageuse décision de suspendre notre participation à la mascarade électorale, toi, Saleh Kebzabo et moi-même sommes accusés de préparer un soulèvement populaire.
Redoutant notre recours en annulation du scrutin, le pouvoir tient, par tous les moyens, à nous mettre hors d’état de nuire. Pour arriver à cette fin, la police politique a procédé, à la fin de campagne électorale des partielles, à l'arrestation de quatre de ses taupes afin de confirmer la thèse de complot contre la sécurité de l'Etat et contre "la paix chèrement acquise" selon les auteurs de cette kabbale d’amateur. La tentative d'assassinat dont je fais l’objet à Kélo par des militaires réguliers fait partie de cette diabolique machination.
Ainsi, le 7 mai 2011, je devais être assassiné à Kélo.
En route pour N’Djaména, Saleh Kebzabo reçoit un coup de téléphone d’un responsable de la police à Guélendeng le convoquant le 9 mai 2011 pour être confondu aux taupes arrêtées dans un car d’une agence de voyages à Dembé quelques jours plus tôt.
Le 9 mai 2011, tu tires ta révérence.
Vidal,
N’avons-nous pas décidé, toi, Saleh Kebzabo et moi-même, d’organiser, aussitôt après les partielles, des meetings à Massaguet, Bol, Mao, Moussoro, Massakory, Bokoro, Mongo, Mangalmé, Oumhadjer, Abéché, Adré, Biltine, Gozbéida, Aboudeia, Amtimane, Kyabé, Sarh, Kourmra, Doba, Moundou, Laî, Kélo, Pala, Léré Fianga, Gounougaya, Bongor, Guélendeng pour finir par un grand meeting à N’Djaména ?
N’avons-nous pas, ensemble, envisagé des grands projets, ceux de relever le défi par les urnes pour l’intérêt de notre cher pays, le Tchad ?
Toutefois les morts ne sont pas morts.
A bientôt, Vidal