Entretien de M.Salibou Garba
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UNION EUROPEENNE
DELEGATION EN REPUBLIQUE DU TCHAD
ENTRETIEN AVEC M. SALIBOU GARBA, RAPPORTEUR DE LA
COORDINATION DES PARTIS POLITIQUES POUR LA DEFENSE DE LA
CONSTITUTION
" Le souhait de mon parti est que les principes et orientations contenus dans l’Accord
perdurent, survivent au Comité de Suivi et d’Appui."
1- Quelles étaient les motivations de votre formation politique lors du lancement du
dialogue politique de 2007 ?
Depuis le Congrès du MPS qui a préconisé la suppression de la disposition de la Constitution relative à la limitation du nombre de mandats à la présidence de la République en novembre 2003, le Tchad est entré dans une période de fortes agitations politiques :
- Déjà en 2001, les candidats de l’opposition, appuyés par des associations de la société civile
- les femmes et les jeunes en particulier - ont contesté bruyamment les résultats de l’élection présidentielle; devant la répression violente, par les forces de défense et de sécurité, des manifestations et tentatives de réunions (un jeune militant de l’UDR a été abattu par balles et des femmes sauvagement battues et brulées par des engins explosifs), certains partis politiques ont décidé ne plus participer aux élections telles que organisées au Tchad ; et ils n’ont pas pris part aux législatives de 2002.
- Des craquelures sont apparues non seulement dans les rangs des membres fondateurs du parti au pouvoir, mais aussi et surtout au sein du « clan » ; nombre de « barons » du régime ont refusé de prendre part au « Congrès de la fin de la limitation de mandats ».
- Ces dissensions se sont traduites par la contestation armée du pouvoir du Président Idriss DEBY ITNO : tentatives à répétition de coups d’Etat, notamment par des déserteurs de plus en plus nombreux de la Garde Républicaine, tous de l’ethnie du Président de la République, prolifération de groupes de rébellion armée (ANR, FUC, RFC, UFDD, etc.) fortement
soutenus, surtout à partir de 2005, par le gouvernement du Soudan. Lesquels groupes armés ont effectué plusieurs raids meurtriers, jusqu’au coeur de la capitale.
- Sur le front de l’opposition républicaine, les partis politiques parmi les plus connus ont créé la Coordination des Partis politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC), après avoir dénoncé le système électoral tchadien dans le « Mémorandum en vue d’une meilleure organisation des élections au Tchad » en septembre 2003.
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- Les partis membres de la CPDC, dénonçant la violation du consensus de la Conférence Nationale Souveraine et son serment de ne pas modifier la Constitution par le Président de la République, ont stigmatisé toutes les opérations électorales entreprises de 2005 à 2006 (recensement électoral, référendum de modification de la Constitution et élection présidentielle) et appelé à leur boycott.
Sous les pressions de la communauté internationale, le Président de la République a dû se
résoudre à accepter la facilitation de l’Union européenne (la France ne voulant pas être seule
dans ce qui pourrait être un inextricable bourbier), entre les partis de sa mouvance et ceux de
la CPDC.
C’est ainsi que l’Ambassadeur Gilles Desesquelles, Chef de la Délégation de la Commission
Européenne, entouré des Ambassadeur de France et d’Allemagne, a esquissé des rencontres
entre représentants des deux courants, pour définir le cadre d’un dialogue constructif.
En prenant part aux discussions préliminaires et au dialogue, le parti politique auquel
j’appartiens, l’Alliance Nationale pour la Démocratie et le Développement (AND), tout en
étant sceptique quant à la volonté du Président à accepter un vrai dialogue, et surtout les
conclusions qui en sortiront, a été sensible aux sollicitations incessantes et déterminées des
représentants locaux de la Commission européenne.
2- Qu’attendiez-vous de l’Accord politique en vue du Renforcement du Processus
Démocratique au Tchad signé le 13 août 2007 ?
Pour moi, l’Accord politique du 13 août 2007, comme il est intitulé, devrait permettre
d’améliorer la gouvernance dans le pays, d’établir de nouveaux rapports entre citoyens et
autorités d’une part, entre majorité au pouvoir et opposition républicaine d’autre part. Il était
alors clair qu’un accord prenant en compte ces préoccupations devrait définir des orientations
propres à résoudre les défis qui se posent aux populations tchadiennes dans leur ensemble, et
à l’élite en particulier, à savoir :
- le défi de la paix. La Déclaration aux mouvements politico-militaires annexée à l’Accord était sensée conduire à des pourparlers brisant les tête-à-tête entre frères ennemis sortis du même moule ; de ce fait, l’obstination à exclure le Comité de Suivi et d’Appui de l’Accord politique du 13 août 2007, réduit les chances d’une paix positive.
- Le défi de la gouvernance. Nul n’ignore que l’Etat Tchadien est dans un délitement quasi-total ; peu d’institutions remplissent le minimum des missions qui leur sont assignées : la Justice, l’Armée, la Police, la Gendarmerie, l’Administration territoriale, les Systèmes éducatif et sanitaire sont tout sauf performantes ; et quand on y ajoute la corruption aussi générale qu’endémique, on comprend qu’il y a de quoi décourager les âmes les plus hardies.
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- Le défi des élections transparentes en tant que couronnement des résultats concluants sur les défis précédents. Il est en effet évident qu’on ne peut parler réellement de la libre, lucide et convenable expression du choix souverain des citoyens de leurs institutions et dirigeants sans la paix, dans un contexte de banalisation de l’impunité et autres passe-droits; pas plus qu’on ne saurait parler d’élections libres, transparentes et démocratiques dans une
situation où le parti au pouvoir se confond avec l’Etat : le MPS est le détenteur exclusif de toutes les Institutions de l’Etat et du Trésor public
3- Trois ans après cet évènement politique, vos attentes sont-elles satisfaites ?
Au regard de ce que je viens de dire et du constat des réalisations faites depuis l’Accord
politique du 13 août 2007, je peux difficilement prétendre que je suis satisfait. Des choses
ont certes été faites, la plupart d’ailleurs grâce à la perspicacité et à la détermination de la
communauté internationale au premier rang de laquelle se trouve l’Union européenne
- L’entame du dialogue, c’est l’Union européenne.
- Le fonctionnement du Comité de Suivi et d’Appui de l’Accord politique du 13
août, c’est l’Union européenne.
- Recoller les morceaux après les douloureux évènements de février 2008 (notre
ami Ibni Oumar Mahamat Saleh enlevé par les forces gouvernementales toujours disparu), c’est l’Union européenne.
- L’adoption des lois qui ne s’écartent pas trop des termes de l’Accord, c’est l’Union européenne.
- Réaliser le recensement démographique, l’Union européenne en tête des partenaires.
- Soutenir la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), l’Union
européenne en première ligne.
- Engager la réforme de la Justice, la maîtrise des effectifs des forces de sécurité,
c’est l’Union européenne, etc.
Le comportement du gouvernement vis-à-vis du cahier de charges contenu dans l’Accord
politique du 13 août 2007 me rend dubitatif (pour ne pas paraître excessif). A voir les
tâtonnements et cafouillages de la CENI, ainsi que les sommes d’argent colossales mises à la
disposition du MPS (le parti politique du Président de la République) pour encadrer la mise en
place des démembrements locaux de la CENI et le recensement électoral, on ne peut pas dire
moins. Des lois ont été prises en application de l’Accord ; quelques chantiers de réformes ont
été ouverts, dans la douleur. Mais peut-on obtenir des changements qualitatifs dans la
gouvernance démocratique quand les détenteurs du pouvoir pensent qu’ils doivent le
conserver coûte que coûte et qu’ils se disent que cela n’est pas possible dans la lisibilité ?
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4- L’Accord Politique aura-t-il un avenir après les élections législatives de 2010 ?
Le souhait de mon parti est que les principes et orientations contenus dans l’Accord
perdurent, survivent au Comité de Suivi et d’Appui. Ce n’est qu’un souhait. Mais quoiqu’ils
disent, les caciques du pouvoir ont hâte d’en finir avec cet Accord qui, pour eux, n’est rien
d’autre qu’une camisole de force. Je suis sceptique sur la pérennité de l’Accord. Cela dépend
essentiellement de la manière dont vont se dérouler les élections en cours de préparation.
Mais à voir les manipulations de la CENI par les mentors du pouvoir et les sommes colossales
mises à la disposition du MPS, on peut se demander si le rouleau compresseur des
tripatouillages des élections n’est pas lancé. Ce qui n’augure pas des éclaircis au lendemain
des élections. Que peuvent faire les différents acteurs positifs, l’opposition républicaine
notamment ? Que peut faire la communauté internationale soucieuse du progrès dans la
construction démocratique, pour obtenir des élections « un peu propres, acceptables» ? Dur !
Dur ! Dur ! Nous exhortons les parties à plus de détermination et de persévérance.
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