Tchad: la rébellion, un raccourci pour intégrer la fonction publique
Tchad: Quand le pouvoir accorde des primes à la rébellion
Innocent Simo
Le président Déby, lors de la conférence de presse qu’il a accordée aux médias nationaux le 11 août 2009, a reconnu qu’il n’a pas de bonus à donner aux rebelles.
Mais jusque-là, il s’est montré généreux vis-à-vis de ceux qui jurent sa perte. Une politique qui s’apparente à une prime à la rébellion. Par Innocent Simo, journaliste de la Voix.
Palais du gouvernement le 14 août 2009. Il est environ 14 heures. Mahamat Djimrangar, un jeune diplômé tchadien, squatte pratiquement cet immeuble depuis plus de trois ans. Il est assis sur
une chaise dans le bureau porte 13, dans l’attente des informations sur la suite à donner à son dossier d’intégration. Un autre jeune comme lui, fait irruption dans le bureau, et exhibe avec
arrogance la liste de quelques dizaines de noms. Il demande à l’occupant du bureau pourquoi la dernière liste des intégrés ne comporte pas tous les noms envoyés. Le fonctionnaire lui répond que
cela ne dépend pas de lui. Le requérant est orienté vers le secrétaire général du ministère. Il est détenteur de la liste des éléments du mouvement rallié du feu Youssouf Togoïmi.
Mahamat Djimrangar sort à son tour du bureau, en demandant si ses longues années d’études n’ont pas été une perte de temps. Il s’interroge : “Ne fallait-il
pas faire de la rébellion pour espérer une rapide intégration ?” Cette réflexion n’est pas le propre de Mahamat Djimrangar quand on connaît la rapidité avec laquelle les jeunes sont intégrés
grâce à leur appartenance à un mouvement politico-militaire dès leur ralliement.
Au Tchad, pendant que certaines rébellions naissent, d’autres se rallient. Les bénéfices pour les rebelles sont nombreux : l’amnistie pour tous, l’intégration dans
les rangs de l’armée nationale pour les militaires et à la Fonction publique pour les civils, et une rondelette somme d’argent pour le leader.
Mais quand on connaît les avantages que le président Idriss Déby Itno accorde aux politico-militaires pour leur ralliement, on se demande pourquoi le retour au
bercail des opposants armés ne ramène pas la paix?
Aujourd’hui, on assiste au ralliement de quelques grands noms des rébellions, ceux-là mêmes qui ont pu atteindre N’Djaména à deux reprises : Hassaballah Soubiane,
Mansour Abbas Mahamat, Ali Haroun, etc. Hier, il y a eu Mahamat Nour Abdelkerim, Youssouf Saleh Abbas (l’actuel Premier ministre), Adoum Togoï. D’autres comme Moïse Ketté, les ont
précédés. Que gagnent-ils ?
La réconciliation entre Idriss Déby Itno et Mahamat Nour, l’auteur du raid manqué sur N’Djaména le 13 avril 2006, s’est faite sous l’égide du président libyen
Mouamar Kadhafi. Plusieurs sources avancent la somme de dix millions de dollars 6 milliards de FCFA) pour le chef rebelle et 60 000 dollars (36 millions de FCFA) pour chaque rebelle, et son
insertion dans l’armée avec valorisation de grade, l’intégration de plus 3000 rebelles à la Fonction publique.
Le 24 décembre 2006, Mahamat Nour Abdelkerim rentre à N’Djaména avec environ 250 hommes. Il est promu général et nommé ministre de la Défense. Poste qu’il gardera
jusqu’à sa nouvelle entrée en rébellion. Après Nour et Soubiane, y aura-t-il de nouveaux ralliements ? A coup sûr, car le président Idriss Déby Itno avec ses pétrodollars, a de quoi
convaincre.
Source: lavoixdutchad