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Alerte Info: Les autorités tchadiennes doivent s'investir pour assurer la sécurité des populations et garantir la paix civile à tous //

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Publié par Makaila

L’affaire de "L’Arche de Zoé" a entraîné en prison, en même temps que les responsables français de l’association, trois journalistes venus couvrir leur opération clandestine. Par ailleurs, la police tchadienne n’hésite pas à procéder à l’arrestation des journalistes considérés comme les plus turbulents par le pouvoir.

Pour les journaux de N’Djamena, l’année 2007 a commencé sous de bien mauvais auspices. Contraints de paraître barrés de noir, selon le bon bouloir de fonctionnaires zélés, les rares publications de la capitale se trouvaient dans une situation financière difficile, depuis le 14 novembre 2006. Ils étaient soumis à la supervision d’un comité de censure préalable, rétabli dans le cadre de la proclamation de l’état d’urgence. Décrétée le 13 novembre 2006 suite à une vague d’affrontements meurtriers entre communautés arabes et non arabes de l’est du pays, l’état d’urgence avait également permis d’interdire aux radios et télévisions d’évoquer les questions "pouvant porter atteinte à l’ordre public, à l’unité nationale, à l’intégrité du territoire et au respect des institutions républicaines".

A l’exception du quotidien privé progouvernemental Le Progrès, les journaux de la capitale paraissaient donc amputés de nombreux articles, lorsque, profitant de cet état d’exception, les autorités de Moissala (Sud), ont procédé au seul acte coercitif envers une des radios privées du pays. Le 31 janvier, Marcel Ngargoto, journaliste de la station communautaire Radio Brakoss et secrétaire général de l’association Droits de l’Homme sans frontières (DHSF), a été arrêté par la gendarmerie. Les autorités locales reprochaient au journaliste "la brutalité avec laquelle il traite certaines informations sensibles et qui sont susceptibles de porter atteinte à la cohésion nationale". Son arrestation était notamment la conséquence de la sévérité du journaliste envers le commandant de la gendarmerie de la ville, qu’il avait accusé d’avoir extorqué de l’argent à des habitants. Il a été libéré le 19 mai, après avoir observé une grève de la faim de quelques jours.

L’état d’urgence a expiré le 25 mai à minuit, sans que le gouvernement, conformément à la Constitution et conscient qu’il ne rétablirait pas la paix à coups de ciseaux, demande sa prolongation à l’Assemblée nationale. La cellule spéciale du ministère de la Communication, mise en place pour procéder à la censure des journaux, a, ce jour-là, cessé de fonctionner. Les journaux tchadiens ont pu de nouveau paraître normalement.

Prisonniers encombrants

Mais l’affaire la plus spectaculaire s’est déroulée fin octobre, en marge du scandale de "L’Arche de Zoé", une association française qui avait planifié d’évacuer illégalement vers la France une centaine d’enfants du Darfour prétendument orphelins. Venus couvrir cette opération clandestine, Marc Garmirian, journaliste reporter d’images de l’agence Capa, Jean-Daniel Guillou, photographe de l’agence Synchro X, et Marie-Agnès Peleran, journaliste de France 3 Méditerranée (qui se trouvait au Tchad pour réaliser un documentaire sur son expérience de famille d’accueil d’un des "orphelins"), ont été arrêtés avec les membres de l’association et inculpés pour les mêmes charges. Entre-temps, plusieurs journalistes étrangers venus couvrir l’affaire ont été victimes de menaces ou d’agressions de la part de manifestants tchadiens, échaudés par l’affaire et par l’exploitation qui en a été faite par le gouvernement de N’Djamena. Après une forte mobilisation internationale et l’implication personnelle des présidents français et tchadien, la justice a remis en liberté les trois journalistes pris dans le piège de "L’Arche de Zoé", puis a rapidement rendu un non-lieu à leur encontre.

Le Tchad a connu ces dernières années un climat de défiance permanente entre les autorités et une presse privée parfois turbulente, ne bénéficiant que d’un tirage limité et paraissant essentiellement dans la capitale. Les menaces et les actes d’intimidation sont fréquents, à l’image de l’attentat qui a visé, début octobre, le véhicule de Michael Didama, directeur de publication de l’hebdomadaire privé Le Temps. Alors qu’il était en voyage à l’étranger, sa voiture a été mitraillée puis incendiée par des inconnus.

L’année 2007 s’est achevée par une autre arrestation. Nadjikimo Benoudjita, directeur de publication de l’hebdomadaire privé Notre Temps, a été arrêté le 14 décembre et inculpé trois jours plus tard d’"incitation à la haine tribale et religieuse", puis libéré provisoirement en attendant sa citation à comparaître. Alors qu’il était encore aux arrêts, la police judiciaire a perquisitionné son domicile, en sa présence, ce dernier servant également de rédaction à Notre Temps. Les policiers ont alors signifié à Nguémadki Dkimasngar, le rédacteur en chef de ce journal à tirage limité, la décision du ministre de l’Information et de la Sécurité publique d’ordonner la "fermeture pure et simple du journal". Nadjikimo Benoudjita a, depuis, quitté le Tchad, satisfaisant ainsi le souhait du gouvernement de se débarasser d’un critique acerbe sans devoir s’embarrasser d’un prisonnier très politique.