Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alerte Info: Les autorités tchadiennes doivent s'investir pour assurer la sécurité des populations et garantir la paix civile à tous //

Archives

Publié par Makaila


 Dans une interview accordée à la rédaction de mensuel support papier de l’international magazine, Rama Yade revient sur les grandes lignes de son action, et sa candidature à l’élection municipale à Colombes.

En septembre dernier alors que vous co-présidiez avec l’UNICEF, une réunion ministérielle sur les enfants soldats à l’Assemblée Générale de l’ONU, vous avez annoncé le lancement d’un forum de suivi des engagements de Paris pour les enfants soldats. - Où en est ce projet aujourd’hui ?

 

J’ai souhaité que ce projet soit concrétisé le plus vite possible. C’est chose faite, trois mois après mon annonce, j’ai confirmé sa création, à l’occasion d’une réunion de travail que j’ai présidée le 16 janvier dernier, avec nos principaux partenaires institutionnels, l’UNICEF, le bureau de la représentante spéciale du secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, en présence d’Ishamel Beah, ancien enfant soldat sierra-leonais. Je vais d’ailleurs me rendre à New York en septembre prochain pour présider la première réunion de haut niveau du Forum en marge de l’AGNU, qui est précédée d’une réunion d’experts en juillet.

Je souhaite que le forum ait un objectif double :
- susciter de nouveaux soutiens aux Engagements de Paris (66 à ce stade). Le forum de suivi servira de lieu d’annonce et d’enregistrement des nouveaux soutiens à ces Engagements.
- servir d’enceinte de rencontres, ainsi que d’échange d’informations entre donateurs et récipiendaires, entre les besoins existants en matière de réinsertion d’enfants associés aux conflits armés et l’offre de donateurs.

Nous ne restons donc pas les bras croisés. Beaucoup de choses ont été faites. Mais cela reste encore insuffisant. Ce fléau touche encore 250.000 enfants de par le monde. Je veillerai à ce que la France, dont le rôle sur la question des enfants soldats est unanimement salué, poursuive son engagement. Il faut que la communauté internationale reste mobilisée.

En octobre à Washington, vous avez évoqué le fonctionnement du nouveau Conseil des droits de l’Homme avec Elliott Abrams, conseiller à la Sécurité nationale adjoint pour la stratégie globale de démocratisation, et Paula Dobriansky, sous-secrétaire d’Etat pour la Démocratie et les Affaires globales.

Pensez vous aujourd’hui que cette nouvelle institution onusienne soit apte à lutter contre les atteintes aux droits de l’Homme dans le monde ?

Sur le fond, des éléments positifs peuvent être retirés des premières sessions du Conseil, avec notamment l’adoption par celui-ci de la Convention pour la protection contre les disparitions forcées, thème porté par la France depuis plus de 25 ans.

Les mandats des rapporteurs spéciaux sur la situation droits de l’Homme au Soudan, au Liberia, en Haïti et au Burundi ont été renouvelés, ainsi que le mandat du groupe de travail sur la détention arbitraire et le mandat de la rapporteuse spéciale sur l’intolérance religieuse.

Bien entendu, les discussions demeurent difficiles sur certains sujets tels que la situation des droits de l’Homme au Proche-orient, la lutte contre le racisme ou l’intolérance religieuse.

Certaines positions du Conseil des Droits de l’Homme me semblent déséquilibrées et traduire une mise en cause des valeurs de liberté et de respect qui fondent nos sociétés. Je saisirai les occasions qui me seront données pour rappeler le caractère non négociable de ces valeurs.

Quelle est votre position sur ce qui se passe actuellement au Kenya ? Faut-il laisser les Kenyans régler ce problème seuls ?

Ce qui se passe au Kenya m’inquiète, en particulier du fait du nombre élevé de victimes que cette crise a faites, à ce jour plus de 750, et du le nombre de déplacés précipités hors de chez eux. L’issue des élections est également inquiétante : la mission d’observation électorale de l’Union Européenne a conclu à de graves irrégularités. C’est cette crise démocratique et politique, dans un pays souvent donné en exemple, qui a déclenché les violences et provoqué la crise humanitaire actuelle.

Je pense, comme nos partenaires européens, que les Kenyans doivent de toute urgence rechercher le dialogue et qu’un partage des responsabilités, en vue d’élaborer de nouvelles dispositions constitutionnelles et électorales, s’impose.

C’est bien sûr un problème de politique intérieure qui regarde avant tout les Kenyans. Cependant, il est légitime et même nécessaire que la communauté internationale, qui a été aux premières loges en matière d’observation électorale (missions de l’UE et de l’EAC notamment) se saisisse du dossier. J’attends personnellement beaucoup des diverses médiations en cours, en particulier de celle de M. Kofi Annan, dont les Kenyans eux-mêmes ont dit qu’il était le bienvenu.

Vous avez déclaré sur l’antenne de Europe 1 : "Si l’Etat devait se substituer à tous ceux qui sont condamnés financièrement, où en arriverait-on ?". Cela veut-il dire que la France ne versera pas les 6,3 millions d’euros de dommage et intérêts aux familles tchadiennes des enfants emmenés par l’arche de Zoé ?

Depuis le début, la France a dénoncé ce projet et a tout fait pour le décourager. J’ai personnellement été très claire sur ce sujet tout en apportant à nos compatriotes la protection consulaire à laquelle ils avaient droit, comme tout citoyen français à l’étranger. Ils ont été jugés et condamnés par la justice d’un pays souverain. Ce n’est pas la France qui a été condamnée. Ce n’est donc pas à elle d’assumer les conséquences financières de cette condamnation.

Pour autant, la situation des enfants et le traumatisme qu’ils ont subi ainsi que leurs familles sont au centre de nos préoccupations. La France a très vite apporté son aide à la prise en charge des enfants à Abéché et elle continuera de le faire. J’ai demandé que me soient présentés des projets d’aide durable à ces enfants et à leurs communautés afin de faciliter leur retour à une vie normale après ce lamentable épisode. Plusieurs organisations internationales et locales travaillent en ce moment à élaborer dans la discrétion ces projets auxquels nous apporterons le soutien financier nécessaire.

Vous avez déclaré ne pas supporter que l’image de la France soit remise en cause par le comportement de l’Arche de Zoé. -Quelles dispositions ont été prises pour éviter de nouveaux dérapages de certaines ONG ?

Avant toute chose, je crois qu’il est très important de ne pas amalgamer l’Arche de Zoé avec les centaines d’ONG, françaises ou non, qui conduisent un travail de terrain formidable et reconnu en s’astreignant au respect de critères éthiques et professionnels longuement mûris et élaborés collectivement. Ces ONG sont aux avant-postes de la lutte contre les risques de dérapage, et ce n’est pas par hasard qu’aucune d’entre elles n’a apporté son soutien au projet de l’Arche de Zoé lorsqu’il a été connu.

Il n’en reste pas moins que l’Etat a la responsabilité de tirer les conséquences de ce qui s’est passé et de tout mettre en œuvre pour diminuer le risque de voir de tels agissements se reproduire. Le paysage humanitaire français a considérablement évolué ces dernières années, et nous avons constaté une augmentation très importante du nombre d’ONG récentes, de petite taille, qui s’investissent dans des projets humanitaires internationaux souvent de façon très isolée. C’est là que peut se trouver le risque de dérapage, par manque de moyens, de formation, ou tout simplement de partage d’expériences avec les ONG expérimentées.

Pour aller de l’avant et savoir consolider la capacité positive d’action de ces nouvelles entrantes dans le paysage humanitaire tout en limitant les risques de dérapage, j’ai décidé de lancer une mission de réflexion et de propositions sur la responsabilité des ONG qui devra me rendre ses conclusions dans les mois à venir afin de mettre en chantier les mesures nécessaires. J’annoncerai dans les jours qui viennent la composition et le calendrier exact de cette mission qui travaillera en partenariat très étroit avec les ONG.

Lors de votre dernier voyage au Soudan en octobre dernier vous y avez affirmé qu’il y avait, parmi les hommes soudanais au pouvoir, des personnalités ayant commis des "crimes contre l’humanité et de crimes de guerre" et "qu’il faut qu’ils soient punis". -Comment la France entend-t-elle agir dans ce sens ?

Le Conseil de sécurité a adopté le 31 mars 2005, à l’initiative de la France, la résolution 1593 déférant la situation au Darfour au procureur de la Cour pénale internationale. Après vingt mois d’enquête, le procureur a lancé des mandats d’arrêts contre Ahmad Harun et Ali Kushayb prévenus de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le premier est accusé d’avoir, lorsqu’il était ministre délégué chargé de l’intérieur, levé et organisé les milices « Janjaouid » qui se sont rendues coupables d’exactions et d’atrocités ; le second, qui commandait l’une de ces milices, s’est particulièrement signalé par ses agissements au Darfour .

Le Conseil de Sécurité a notamment décidé que « le Gouvernement soudanais et toutes les autres parties au conflit du Darfour devaient coopérer pleinement avec la Cour et le Procureur et leur apporter toute l’assistance nécessaire ». Le Gouvernement soudanais n’a malheureusement pas inscrit son action en ce sens, en dépit des appels répétés de la communauté internationale.

Le gouvernement français a regretté cette attitude, qui va à l’encontre de la recherche d’une paix durable au Soudan en favorisant l’impunité. Le Ministre des affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, a confirmé son appui au président de la Cour, Philippe Kirsch, et au procureur Moreno-Ocampo. J’ai moi même souligné l’importance de la pleine coopération avec la Cour Pénale Internationale avec les autorités soudanaises lors de mon déplacement au Soudan. Enfin, lors de la présentation du rapport du procureur au Conseil de sécurité, le 5 décembre 2007, la France a appelé le Conseil à réagir avec fermeté.

Votre premier déplacement à l’étranger lors de votre nomination était réservé à l’Asie, pas à l’Afrique, continent souvent présenté comme celui des violations de droits de l’Homme. Du coup on vous prête une certaine indifférence pour l’Afrique et ses décideurs politiques alors que vous semblez très intéressée par l’Asie ou vous vous êtes rendue plusieurs fois. Que répondez vous a cela ?

Que ce n’est pas vrai. Pour mon premier déplacement en tant que Ministre, j’ai accompagné le Président de la République à Lisbonne dans le cadre le la future présidence de l’Union européenne. Les deux suivants l’ont également été aux côtés de Nicolas Sarkozy, en Afrique précisément (Algérie, Tunisie puis Libye, Sénégal et Gabon). Je me suis aussi rendue au Soudan. De tous les continents, c’est l’Afrique que j’ai le plus visité. Quant à mon premier déplacement personnel en tant que Secrétaire d’Etat, je l’ai effectué en Moldavie, sur le thème de la lutte contre le trafic des êtres humains. Je me suis ensuite rendue en Haïti, dans un pays des Caraïbes qui entretient un lien historique avec la France mais aussi, je pense que vous en conviendrez, avec l’Afrique… Ce n’est qu’après tous ces pays que je me suis rendue en Asie. J’ajoute que j’effectuerai mon prochain déplacement au Kenya. Dès lors, je ne vois vraiment pas ce qui peut étayer votre sentiment d’une quelconque indifférence envers le continent africain. D’autant que j’ai consacré une part importante à l’Afrique dans un livre, publié l’année dernière. Vous savez, la thématique des droits de l’Homme est transversale et universelle : elle n’est malheureusement l’apanage d’aucun pays, d’aucun continent, et j’aimerais bien avoir le don d’ubiquité pour répondre à l’ensemble des sollicitations, ce qui n’est malheureusement pas possible.

On se rappelle que dès le début de la crise en Birmanie, la France été très présente et a même proposé un plan de sortie de crise. Mais aujourd’hui on a plutôt l’impression qu’elle est en retrait. Où en est précisément l’action de la France dans la résolution de cette crise ?

La France reste déterminée à agir pour que se mette en place un réel processus de réconciliation nationale et de démocratisation en Birmanie. Au-delà de l’urgence créée par les événements de septembre, nous sommes maintenant engagés dans une nouvelle étape de notre stratégie, à plus long terme, pour que la Birmanie reste durablement une priorité de la communauté internationale. Cela passe d’une part par la nécessité de continuer à dialoguer avec les pays asiatiques, en particulier la Chine, l’Inde et l’ASEAN, pour les convaincre de la nécessité d’une réconciliation nationale et démocratique en Birmanie et les engager à agir plus concrètement, notamment pour soutenir la mission de M. Gambari. En effet, rien ne sera possible sans ces pays car ils sont les principaux partenaires politiques et économiques de la Birmanie. La France a rappelé la nécessité d’agir pour le peuple birman lors de la visite en France du Premier ministre singapourien, Lee Hsieng Loong, le 21 janvier. Le Président de la République Nicolas Sarkozy a ainsi déclaré qu’ "il ne faut pas oublier le peuple birman". Nous restons en concertation étroite avec nos partenaires au sein du Conseil pour envisager des mesures supplémentaires si M. Gambari n’est pas autorisé à retourner rapidement en Birmanie.

En novembre dernier au Sommet UE-ASEAN, vous avez renouvelé votre soutien à l’action de Monsieur Gambari, émissaire de l’ONU pour la crise Birmane. A quel niveau situez-vous concrètement le soutien de la France à la mission de Monsieur Gambari ?

Effectivement, c’est un message de plein et entier soutien que j’ai transmis à M. Gambari à Singapour et que j’ai rappelé à mes homologues asiatiques. Suite aux propositions françaises, un « Groupe des Amis de M. Gambari » présidé par le Secrétaire général des Nations unies, s’est tenu en décembre pour renforcer sa position et appuyer ses efforts. Au moment où les Birmans semblent tentés de remettre en cause sa mission et de lui fermer la porte, il est plus que jamais nécessaire de le soutenir pour montrer qu’il porte les attentes de l’ensemble de la communauté internationale. Nous attendons maintenant qu’il puisse se rendre le plus rapidement possible en Birmanie pour poursuivre sa mission qui a déjà permis quelques timides avancées. Ces résultats doivent être confirmés et un réel processus de dialogue doit maintenant être engagé.

Etes-vous toujours inquiète de la situation en Birmanie, notamment pour l’opposante Aung San Suu Kyi ?

Mon inquiétude ne diminue pas. La situation demeure extrêmement préoccupante. Tout semble aujourd’hui indiquer une crispation des autorités birmanes voire un risque de retour en arrière. Cette inquiétude ne fait que renforcer ma détermination et mon implication personnelle sur ce dossier. Je me suis saisie du dossier birman dès ma prise de fonction, bien avant les manifestations du mois d’août. Comme je l’ai dit, la Birmanie doit rester une priorité de la communauté internationale. Soyez assuré qu’elle reste une de mes priorités.

Vous avez fait savoir que vous serez candidate aux municipales sur la liste UMP de Nicole Goueta, maire de Colombes. -Pourquoi le choix particulier de Colombes ?

C’est un choix tout naturel, puisque Colombes est ma ville. C’est la ville où j’ai habité dès mon arrivée en France. J’y ai fait toute ma scolarité, c’est là que ma mère et mes sœurs se trouvent, et j’y ai toujours un domicile. Je connais chaque rue de Colombes et nombre de ses habitants. Il est normal que j’ai choisi de servir cette ville.

On sait que Ségolène Royal est arrivée en tête au second tour des présidentielles dans cette ville des Hauts de Seine, avec 54 % des voix. Dans ce contexte votre présence sur cette liste ne se présente-t-elle pas comme une « opération de sauvetage » pour le maire UMP de la ville ? N’avez-vous pas peur de prendre trop de risques ?

Opération de sauvetage, certainement pas : Madame Goueta, l’actuel maire de Colombes, a un bon bilan Elle a beaucoup fait pour la ville. Loin d’être une opération de sauvetage, ma candidature est une volonté d’ancrage : d’ancrage politique dans la vie d’une cité, afin d’être au plus près des problèmes concrets des gens, de leurs soucis quotidiens, afin d’essayer au moins d’y apporter des solutions. De par ma fonction de Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux droits de l’Homme, je suis régulièrement aux prises avec les grands problèmes du monde. Avec Colombes, si je suis élue conseillère municipale, j’aurai à faire face aux problèmes de chacun. Je trouve que ces deux approches sont tout à fait complémentaires. Quant au fait de savoir si je prends trop de risques, je vous répondrai simplement que, si on ne veut pas prendre de risques, il vaut mieux alors s’abstenir de s’engager dans la vie politique.

Ce n’est pas trop difficile de s’imposer comme secrétaire d’Etat français quand on est comme vous, jeune (trente ans), femme, musulmane et de surcroît d’origine africaine ?

On m’a beaucoup posé ce genre de questions quand j’ai pris mes fonctions. Maintenant, on ne me les pose presque plus. Vous savez, les problèmes d’identité se posent quand on est en panne d’action ou de projet. Malraux disait que l’homme est ce qu’il fait. Je reprends ses mots pour vous dire que je suis ce que je fais, et ce que j’ai l’intention de faire. Voilà mon identité

Source: L’InternationalMagazine.com

.