CADRE CONCEPTUEL POUR UNE PAIX DURABLE AU TCHAD
COMITE PROVISOIRE D’ACTIONS ET DE STRATEGIES
(COMPAS)
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CADRE CONCEPTUEL POUR UNE PAIX DURABLE AU TCHAD
De l’avis général, le Tchad est un pays en détresse. Il est aujourd’hui internationalement reconnu comme répondant à tous les critères qui définissent un Etat défaillant (Fund for Peace, 2007). A la lumière des situations en Afghanistan et en Somalie, le monde a pris conscience du fait que les Etats défaillants sont des pépinières pour l’extrémisme qui, souvent, mène au terrorisme. Etant donné sa situation géographique au centre de l’Afrique et les risques déstabilisateurs que la situation de crise peut avoir sur les pays voisins, la République du Tchad mérite un peu plus d’attention de la communauté internationale. Il est évident que maintenir le statu quo est plein de dangers de détérioration régionale et conduirait à une exacerbation plus accrue de la crise humanitaire. La multiplication des groupes armés a déjà conduit à une situation où 180 000 tchadiens se retrouvent déplacés internes et quelques 30 000 réfugiés tchadiens au Soudan. Des groupes ethniques qui, des centaines d’années durant, ont vécu en bonne intelligence se livrent aujourd’hui des combats sanglants, brûlant les villages, les greniers, volant les animaux les uns des autres, etc. L’absence d’ordre qui s’ensuit, couplée à la prévalence et à l’accès facile aux armes de guerre de petits calibres a conduit au grand banditisme qui menace le pays dans son ensemble. Aider le Tchad à parvenir à une paix durable devient ainsi une nécessité et un devoir pour la communauté internationale afin d’éviter que ne s’allume une autre Somalie au cœur du continent africain.
De nombreux accords de paix ont été signés entre le Gouvernement Tchadien, les groupes d’opposition armée et les partis politiques de l’opposition démocratique qui n’ont pas apporté la paix. Les événements de N’Djaména du 1er au 3 février 2008 prouvent que :
- Quels que soient les moyens militaires mis en œuvre, le territoire ne peut être contrôlé totalement en raison de son étendue ;
-
La paix ne sera possible au Tchad que lorsque les Tchadiens auront :
- identifié, au cours d’un dialogue de paix inclusif, les causes profondes de la mauvaise gouvernance qui mine le pays depuis l’indépendance, et
- convenu d’un programme minimum de réforme et de gestion de l’Etat qui permette la participation équitable de tous les fils du pays au processus démocratique.
Cet exercice est un passage obligé si l’on veut que le Tchad rompe définitivement avec l’instabilité. Toute autre approche ne serait qu’un palliatif temporaire qui ne réglerait absolument pas la crise.
L’implication des Nations Unies, assistées des organisations régionales et sous-régionales, serait un gage supplémentaire de succès dans la mise en œuvre du programme que les fils et filles du pays auront adopté ensemble au cours du dialogue, notamment à travers la modification et la prorogation du mandat de l’EUFOR renforcée de forces d’autres régions et pays membres des Nations Unies.
C’est pourquoi le COMPAS (Comité Provisoire d’Action et de Stratégies), une organisation apolitique neutre composée de tchadiens inquiets de la situation du pays et ayant son siège aux Etats Unis avec des membres sur trois continents, a élaboré le présent cadre conceptuel pour une paix durable au Tchad autour des axes suivants : (1) Dialogue inclusif de paix; (2) Gouvernement de Transition et (3) Elections libres et honnêtes.
Ce document fournit une base sur laquelle l’on peut élaborer un tableau de bord qui apportera une paix durable au Tchad. Il comprend des modules variées qui proposent un document de travail de base pour une suite d’étapes à entreprendre pour l’organisation d’élections libres et honnêtes qui pourrait éventuellement aider le Tchad à devenir un Etat viable fondé sur des institutions démocratiques, l’état de droit et un développement socio-économique durable.
I. Les causes profondes de la crise au Tchad
La liste ci-après identifie les causes primaires de l’instabilité actuelle au Tchad :
a. Tribalisme et népotisme :
· Le phénomène des “Intouchables” :
· Les divisions tribales extrêmes entre les citoyens
· Le harcèlement et les humiliations répétées des citoyens par ceux qui détiennent le pouvoir
· La corruption endémique et la pauvreté
· La discrimination rampante
· Les nominations fantaisistes aux hautes fonctions publiques (administration publique et forces de défense et de sécurité).
b. Absence de bonne gouvernance :
· L’absence de programme politique constructif et l’absence de volonté de mise en œuvre de stratégies appropriées pour le développement socio-économique
· Des élections corrompues de manière consistante
· L’absence d’une bonne politique publique; ce qui conduit à la mauvaise gestion des affaires publiques
· Le démembrement des structures de l’Etat et une pléthore de postes administratifs au Ministère de l’Administration du Territoire sans rapport avec les besoins réels et sans planification préalable
· Une dégradation totale de larges segments de la Fonction Publique
· L’absence d’état de droit culminant avec le règne de l’arbitraire.
c. Comportement dictatorial du Chef de l’Etat :
· Modification inconsidérée et unilatérale de la Constitution (annulation de la limite des mandats permettant au Chef de l’Etat de se représenter aux élections indéfiniment)
· Absence de transparence dans la privatisation de nombreuses sociétés parapubliques
· Attributions des marchés en violation des règles et règlements établis et un total mépris des bonnes pratiques
· Ponctions fréquentes de fonds au Trésor public sans justifications.
Les frustrations citées ci-dessus couplées à l’absence totale de bonne volonté de la part du Gouvernement Tchadien de s’engager dans un dialogue constructif autour de ces questions ont conduit à une opposition armée quasi-continue au gouvernement. Etant donné la situation de chaos dans laquelle le pays se trouve, il apparait urgent que les institutions de l’Etat soient réorganisées et qu’un mécanisme pour la reconstruction du pays soit mis en place.
II. Le cadre conceptuel pour une paix durable au Tchad
Toute solution qui propose de stabiliser le pays doit prendre en compte les causes fondamentales de l’instabilité au Tchad et engager toutes les composantes de la société tchadienne pour résoudre la crise. Pour accroitre les chances de succès dans la mise en œuvre de ce programme, un rôle de supervision doit être accordé aux Nations Unies en collaboration avec l’Union Africaine et les grandes puissances, particulièrement les Etats-Unis et la France. Les objectifs suivants ont été définis afin de parvenir à une paix durable et d’établir un Etat démocratique capable d’investir dans le développement du pays :
A. Le dialogue inclusif de paix
Le Dialogue Inclusif de Paix (regroupant le Gouvernement du Tchad, l’opposition politique démocratique, l’opposition armée, la société civile, les syndicats, les groupes religieux, etc.) offre la meilleure plateforme permettant d’examiner les causes profondes du conflit intérieur tchadien et de développer un cadre pour un règlement pacifique conduisant à des élections législatives, présidentielles et municipales libres et honnêtes. Ce tableau de bord, débouché logique du dialogue inclusif, rendra plus facile l’adhésion des tchadiens et leur contribution pour l’établissement d’un Etat viable puisqu’il aura été élaboré par les représentants de toutes les composantes de la société tchadienne. Cependant, l’organisation du dialogue inclusif de paix nécessitera l’appui de la communauté internationale (ONU, UA et UE) et des grandes puissances (USA, France, Chine et Russie) ainsi que les pays voisins du Tchad.
1. La phase préparatoire :
Une Commission Préparatoire comprenant des représentants des principales composantes de la société tchadienne (notamment les partis politiques, la société civile et les groupes d’opposition armée) sera mise en place pour préparer le Dialogue Inclusif. Cette Commission Préparatoire entreprendra les étapes suivantes pour construire le consensus sur la plateforme de cet objectif par :
· Un dialogue avec les forces politico-militaires
· Un dialogue avec le Gouvernement et les partis politiques
· Un dialogue avec la société civile.
En plus, la Commission travaillera pour :
· Obtenir l’appui technique des Nations Unies, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, des Etats-Unis et de la France, etc.
· Déterminer d’accord parties une date et un pays pouvant accueillir le dialogue inclusif (Ethiopie, Sénégal, Gabon, Burkina Faso)
· Elaborer un mémorandum basé sur un consensus minimum sur les objectifs à atteindre et contenant des propositions pour la mise en place des institutions chargées de mettre en œuvre les recommandations
· Elaborer un plan de mise en œuvre.
2. Ordre du jour minimum du Dialogue Inclusif de Paix :
Le dialogue :
· Débattra des causes fondamentales de l’instabilité chronique au Tchad depuis l’indépendance :
o Injustice et discrimination entre les communautés nationales
o Equilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire qui conduise à une meilleure responsabilité et limite la prédominance du pouvoir exécutif
· Proposera une stratégie de sortie de crise qui apporte des remèdes à la situation actuelle :
o Institutions de transition et leurs cahiers des charges
o Commission vérité et réconciliation
Bâtira un consensus qui préparerait le pays pour l’avenir et dé