Idriss Deby fait sa confession au peuple tchadien
La confession
Je suis les cinq sens du président ! J'observe avec mes yeux tout ce qui se passe. J'écoute ce qu'on raconte dans le quartier. Je me sers de mon odorat, que j'ai particulièrement développé, pour détecter lemoindre signe de mécontentement. Je savoure le doux pouvoir que m'accorde la France à fric. Je caresse son effigie sur la médaille dont elle m'a décoré. Sa cause exige de moi un service qui n'a pas de limites horaires et se prolonge même pendant mon sommeil : souvent je rêve que je découvre un complot ourdi par mes adversaires et que j'interviens avec promptitude et énergie pour l'écraser !
Ecoutes téléphoniques et démarches discrètes ont tissé un subtil réseau préventif qui me permet de me tenir informé à toute heure. Mes rapports arrivent quotidiennement à mon palais rose et sont un baume pour mon coeur inquiet. Il faut voir avec quels regards bienveillants et pleins d'encouragement j´observe mon humble personne ! Non, pas en direct, bien sûr, mais sur les portraits officiels qui couvrent les murs de mon bureau. Je le contemple pendant que j'organise le retour des ex-opposants
ou que j'établis les listes de personnes à surveiller ou à éliminer.
Assis sur un fauteuil en velours grenat avec dossier et accoudoirs dorés, je me plonge dans la lecture des dénonciations et des renseignements confidentiels qui me donnent du courage et m'emplit de bonheur. Je consolide ainsi ma fortune bien méritée et contribue, par mon labeur de fourmi, à l'affermissement de mon pouvoir providentiel.
Mais qui est cet opposant énigmatique ?
La question me torture, m'empêche de trouver le sommeil. Je vais encore mobiliser mes agences de renseignements afin de découvrir sa piste et de l'identifier. Il faut établir une liste de suspects et scruter attentivement les bandes des écoutes téléphoniques. Ces recherches vont se poursuivre pendant plusieurs mois.
Obstiné, implacable, adversaire inexorable, il fera tout pour atteindre son objectif : en finir avec moi. Oui, m'éliminer. Je vais donc réunir mes conseillers et mes représentants subalternes pour discuter de la chose. Je sais d´emblé les propositions qu'ils vont formuler : châtiment personnalisé du premier au troisième degré, extermination de tous les inscrits sur la liste des suspects. Mais je sents obscurément que c'est une bataille perdue d'avance. Mon ennemi impitoyable va me survivre.
Je passerai une longue période d'angoisse, hanté par une idée fixe : quelqu'un ourdit contre moi un complot impossible à détecter.
Au cours d'une nuit particulièrement agitée, j'ai fait un rêve prémonitoire : je me voyais à un bureau de vote, déposant moi-même le bulletin maudit. A mon réveil, sans prévenir personne, j'ai enregistré ma confession en vidéo, sûr que je serais immédiatement exécuté et que, enfin, je pourrais reposer en paix. Dois je y croire ?
M.Charafadine