Plume africaine:" Deby doit démissionner!"
"Jusqu’à quand allez-vous résister contre la démocratie ?" Bonjour monsieur le président J’ignore dans quel état d’esprit vous vous trouvez aujourd’hui, mais ce qui se passe
dans votre pays ne peut pas me laisser indifférent. Vous avez bien failli perdre votre poste lors de ces trois jours de feu et de sang, les samedi, dimanche et lundi derniers. Vous êtes encore là
grâce à l’armée française qui a tergiversé dès le départ puis a choisi définitivement par la suite, son camp, votre camp. Désormais, vous n’échappez plus au destin peu enviable de prétendu chef
d’Etat africain vrai préfet français qui prend chaque matin ses ordres à l’Elysée, si ce n’est, dans une maison moindre au quai d’Orsay. Monsieur le président, Je disais que vous aviez failli
perdre votre poste et vous n’en êtes pas encore épargné. Pendant ces trois jours de terreur à N’djamena où vous avez envoyé votre pauvre chef d’Etat major des armées se faire massacrer (c’est
hélas le destin du soldat) ainsi que d’autres soldats gouvernementaux (c’est le destin lié au métier, je le répète) et où vous-même étiez terré dans un endroit où vous ne risquiez pas de recevoir
un éclat d’obus, vous avez résisté. Au péril de votre vie. Je ne vous féliciterai pas pour autant. J’ai toujours eu en horreur les politiciens marrons qui pensent comme notre Charles Blé Goudé
national que seule leur vie compte parce qu’ils ont un destin plus important que celui des pauvres gueux qu’ils invitent à arrêter de dormir, pour aller défendre la république en danger. En fait
de république, c’est bien le poste d’une seule personne dont il s’agit. Je vous aurais félicité si vous étiez un démocrate accompli que des rebelles aigris et obscurantistes voulaient coûte que
coûte déboulonner. Pendant ces trois jours de feu et de sang, je ne vous cache pas, si vous aviez été chassé du pouvoir, vous n’auriez personne pour pleurer sur votre sort. Surtout pas moi.
Savez-vous pourquoi ? Parce que vous êtes un dictateur. Monsieur le président, Sauf votre respect, je vais vous rappeler l’histoire honteuse et ensanglantée de votre accession au pouvoir. Ainsi
comprendriez-vous peut-être pourquoi ce qui vous arrive n’est qu’une logique de l’histoire, de votre propre histoire. Nous sommes en 1980. Vous avez juste 28 ans. Vous revenez de France où vous
avez obtenu un diplôme de pilote professionnel. Vous rejoignez Hissène Habré dans les maquis soudanais. Le 13 novembre 1981, celui-ci avec la bénédiction et le soutien de Khartoum lance son
offensive contre le gouvernement d’union ( ?) nationale dirigé par Goukouni Weddeye. Ce dernier est aussi un ancien rebelle bien connu de Khartoum. Huit mois plus tard, vous et votre patron
boutez Goukouni Weddeye du pouvoir. Il est contraint à l’exil en Algérie. Hissène Habré est le nouvel homme fort et vous le tout puissant chef d’état major. Comme toute histoire de comploteurs,
vos relations se compliquent et vous tentez de renverser votre beau-frère de putschiste le 1er avril 1989. Vous échouez. Où vous êtes-vous dirigé pour trouver refuge ? Au Soudan. Et que fait
Hissène Habré ? Il crie à la trahison du Soudan et menace son voisin de tous les châtiments. C’est au Soudan que vous créez en mars 1990, votre Mouvement (rebelle) patriotique du salut (MPS).
C’est du Soudan, (je rappelle que vous avez fait un tour en Lybie) que vous lancez une offensive sur N’Djamena. Celle-ci aboutit le 1er décembre 1990 au renversement de Hissène Habré. Ce dernier
trouve d’abord refuge au Cameroun puis au Sénégal où il est sous le coup d’inculpations pour crimes contre l’humanité aujourd’hui. Pour Hissène Habré, la sempiternelle histoire des fins de règnes
de despotes, s’est répétée de façon indiscutable. Avec en belle prime, un exil non apaisé troublé par des menaces d’emprisonnement dont s’est bien passé son prédécesseur. Magnifique parallélisme
des formes pour un piètre balayeur balayé par un vilain balai. Qui règne par l’épée périt par l’épée… Monsieur le président, L’histoire ne vous a pas enseigné. Et vous voilà aujourd’hui en train
d’être l’objet de cette terrible histoire qui risque fort de se répéter. Parce que qu’est-ce qui se passe aujourd’hui au Tchad ? Aujourd’hui, vous avez dans votre pays, des mouvements rebelles
coalisés, soutenus, encore et toujours par le Soudan et qui sont mieux organisés, mieux équipés, mieux fournis en hommes que votre mouvement qui a chassé du pouvoir Hissène Habré ou celui de ce
dernier auquel vous avez appartenu qui a chassé Goukouni Weddeye. Vous savez plus que quiconque que la France est à vos côtés, non pas parce que vous êtes un grand président soi-disant
démocratiquement élu mais parce que vous êtes la meilleure garantie pour ses entreprises qui opèrent dans l’or noir et pour la force européenne qui doit se déployer au Darfour. Vous savez encore
plus que quiconque, que si les rebelles qui vous en veulent, offrent cette même garantie à la France, elle risque fort de vous lâcher, pour éviter de s’empêtrer dans un magma africain qu’elle
voudrait bien éviter après celui de la Côte d’Ivoire. Vous le savez. Alors pendant qu’il est temps, bénissez Nicolas Sarkozy et ses avions mirages qui vous ont épargné le naufrage. Pour l’heure,
vous résistez. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand allez-vous résister contre la démocratie dans votre pays ? Jusqu’à quand allez-vous assister avec un œil indifférent à la fuite des habitants de
votre pays vers d’autres cieux plus apaisés ? Jusqu’à quand allez-vous compter sur "l’appui logistique" français pour vous maintenir au pouvoir ? Jusqu’à quand allez-vous diriger un pays, d’une
façon aussi tatillonne, dans la hantise, d’être renversé ? Jusqu’à quand allez-vous résister à l’accomplissement du destin de tout dirigeant putschiste ? Monsieur le président, Vous avez commis
des erreurs et vous devez aujourd’hui en tirer les conséquences. Vous n’auriez jamais dû tripatouiller la constitution qui limitait à deux mandats, le règne présidentiel, pour vous représenter en
2006. A quoi vous attendiez-vous après avoir organisé des "élections calamiteuses" boycottées par l’opposition politique ? J’ai entendu notre chef d’Etat à nous, Laurent Gbagbo dire que "l’Union
africaine doit trouver des mécanismes pour lutter contre les coups d’Etat". C’est sa façon à lui, de vous apporter son soutien. J’ai compris, pour ma part, qu’il n’avait encore rien compris et
qu’il n’a pas encore tiré les conséquences de la rébellion dans son pays. Ce que l’union africaine doit faire, c’est de trouver des mécanismes pour construire la démocratie dans les pays
africains. A travers des institutions fortes mises en place non pas "dans des conditions calamiteuses" mais selon des règles démocratiques universelles qui fondent l’Etat de droit. Aujourd’hui,
il ne viendrait à la tête d’aucun soldat ghanéen, béninois, sud-africain…de se rebeller contre John Kufuor, Yayi Boni, Thabo M’Beki…La raison est que ces hommes sont arrivés au pouvoir dans les
règles électorales de l’art démocratique et s’efforcent de consolider les institutions démocratiques de leur pays, sans préjuger de leur succès économique. Mais voyez-vous monsieur le président,
personne ne s’émouvra en Afrique si des soldats se rebellent et chassent du pouvoir le Guinéen Lansana Conté, le Congolais Sassou N’Guesso ou le Gabonais Omar Bongo. Toutefois, que les rebelles
ne pensent pas que c’est un blanc seing à leurs actes anti démocratiques et fermement condamnables. Je n’ai jamais toléré la rébellion, qu’elle soit en Côte d’iVoire, au Tchad ou ailleurs. Mais
je dis qu’il ne faut pas donner des prétextes fiables voire légitimes à des voyous qui ne rêvent qu’à casser des banques et à rouler des jaguars. Monsieur le président, Vous êtes face à votre
destin. Vous avez à choisir entre démissionner, négocier ou résister. La troisième option est suicidaire. Si vous choisissez la deuxième, vous devez acceptez l’idée d’un gouvernement d’union
nationale qui intègre la rébellion mais surtout l’opposition politique et de la mise en place d’un pouvoir intérimaire qui se chargera d’organiser des élections ouvertes à tous auxquelles vous ne
participerez pas, selon la constitution préalable que vous aurez réhabilitée. Pour ma part, je vous dis : démissionnez ! Votre arrivée à la tête du Tchad était une erreur et votre règne est un
échec. Vous n’avez pas fait mieux que Hissène Habré et vous avez fait pire que Goukouni Weddeye. Les Tchadiens sont plus misérables que jamais, en dépit du pétrole qui coule à profusion dans des
proches déjà bien garnies de votre galaxie. L’histoire a déjà inscrit votre nom au panthéon des dictateurs. Cependant, elle vous laisse le choix de partir dans la dignité. Démissionnez !