Les Tchadiens occupent deux villes du centre
Les rebelles tchadiens, qui ont vainement tenté le week-end dernier de s'emparer de N'Djamena, annoncent occuper deux villes du centre du pays, à mi-distance entre la capitale et la frontière soudanaise, défiant les forces gouvernementales de venir les affronter en plein désert.
Ali Ordjo Hemchi, porte-parole de la coalition des trois mouvements rebelles qui ont été repoussés de N'Djamena il y a une semaine, a déclaré que ceux-ci contrôlaient Mongo et Bitkine et qu'ils espéraient "prendre le contrôle d'autres villes bientôt".
"Nos forces sont en contact avec des garnisons qui sont prêtes à faire défection", a-t-il déclaré à Reuters en affirmant que les rebelles avaient reçu des renforts et disposaient de plusieurs colonnes en territoire tchadien.
De source humanitaire, on a confirmé que les rebelles contrôlaient Mongo mais on n'était pas en mesure dans l'immédiat de certifier que la localité de Bitkine était également tombée entre leurs mains.
Les chars et les hélicoptères du président Idriss Déby ont bouté dimanche soir hors de N'Djamena la colonne qui avait attaqué la ville la veille, au terme d'une bataille qui a fait au moins 160 morts et des centaines de blessés, mais les rebelles ont dit s'être simplement repliés pour se regrouper.
Les rebelles, qui cherchent à renverser le régime de Déby au pouvoir depuis 18 ans, ont accusé les troupes françaises présentes au Tchad dans le cadre du dispositif Epervier d'avoir prêté main forte aux troupes régulières tchadiennes, ce que Paris a démenti.
La France reconnaît en revanche que les troupes françaises ont dû ouvrir le feu à diverses reprises pour assurer la protection des ressortissants français et étrangers qu'ils ont évacués et sécuriser l'aéroport de N'Djamena.
"EVITER LES COMBATS EN VILLE"
Selon Hemchi, l'objectif des rebelles "est encore de renverser le régime à N'Djamena", qu'ont fui des dizaines de milliers d'habitants, mais il disent souhaiter "éviter des combats dans les villes".
"Nous voulons que l'armée quitte la capitale afin que nous puissions réitérer notre victoire de la semaine dernière", a-t-il dit, faisant référence aux affrontements qui ont opposé les rebelles aux forces régulières le vendredi 1er février à 5O kilomètres à l'est de N'Djamena.
Cette tentative pour stopper l'avancée des rebelles avait échoué et ceux-ci avaient pénétré dans la capitale jusqu'aux abords du palais présidentiel, d'où Déby a tenu bon et dirigé sa contre-offensive.
Le revers subi par l'armée aux portes de la capitale avait été facilité par la défection de combattants zaghawas, l'ethnie de Déby, dont deux neveux, Tom et Timane Erdimi, dirigent l'une des trois factions rebelles, le Rassemblement des forces pour le changement, composée en grande partie de Zaghawas.
Après être restée remarquablement discrète durant l'attaque de N'Djamena, la France, forte d'une déclaration du Conseil de sécurité de l'Onu appelant - à son initiative - à aider le régime de Déby, a prévenu les rebelles qu'elle "ferait son devoir" s'il le fallait.
Mais de nombreux spécialistes craignent qu'un engagement plus direct du contingent Epervier aux côtés du régime place en porte-à-faux la mission Eufor, chargée de protéger les populations civiles de l'est du Tchad affectées par le conflit dans le Darfour voisin.
L'Eufor, dont le déploiement a été retardé par l'attaque de N'Djamena, est composée de 3.700 soldats européens, dont une majorité de soldats français. Son chef opérationnel, le général français Jean-Philippe Ganasica, a affirmé l'absence de tout lien entre sa mission et le dispositif Epervier et son intention de ne pas intervenir contre les rebelles tchadiens. /MD
(avec Daniel Flynn à Dakar, version française Marc Delteil