La Crise Tchadienne : Point de départ de la Nouvelle Politique Africaine de la France ?
Une « chance » historique pour la France
L’issue de la crise qui sévit actuellement au Tchad et qui met aux prises les forces gouvernementales aux différentes factions rebelles en provenance
de l’Est du pays, reste incertaine mais débouchera très probablement sur une instabilité institutionnelle que l’on souhaite la plus brève possible.
Malgré les souffrances causées aux populations civiles par les violences de la guerre, comment ne pas reconnaître tout le mérite de ces troubles quant
à la remise en cause du régime autoritaire et corrompu d’Idriss Deby ?
Face à cette crise, l’Union Africaine (UA) s’en réfère naturellement au droit international est déclare par la voie de son nouveau président de la
commission, Jean Ping :"L'assemblée condamne fermement l'attaque perpétrée par des groupes armés contre le gouvernement tchadien et exige
qu'un terme soit mis immédiatement à ces attaques et au bain de sang qui en résulte". Il rappelle également son rejet de tout
changement inconstitutionnel.
Rien d’étonnant en fait, à ce que le représentant des chefs d’Etat africains s’en référe à un système de règles qui, malgré d’incontestables bien
faits, n’en demeure pas moins un système conçu par les Etats pour les Etats.
Quelle aurait notre agréable surprise et c’est peu de le dire, si en lieu et place de ces traditionnels rappels à l’ordre navrants et décevants,
Monsieur Ping avait fait de sa nomination le point de départ d’une nouvelle ère en procédant à une déclaration novatrice, tenant compte des aspirations exprimées depuis longtemps par la
population des nations africaines. Une déclaration impartiale, ferme et courageuse exhortant les parties au conflit à privilégier la démocratisation de la société Tchadienne et appelant la France
à saisir l’opportunité historique s’offrant à elle de participer à la démocratisation effective d’un Etat africain tout en aidant sa population à créer les vraies conditions de son
développement.
Il est désormais impensable que l’opération militaire française Epervier puisse continuer à justifier le but initial de sa mise en œuvre en
1986, à savoir le maintien successif des chefs d’état despotiques et autoritaires au sommet de l’état tchadien. Le flou juridique qui entoure les conditions dans lesquelles l’opération a été
menée depuis lors, justifie par ailleurs à lui seul sa remise en cause. Cette opération militaire d’envergure, mobilisant depuis des dizaines d’années des milliers d’hommes n’a pourtant jamais
fait l’objet d’aucun contrôle du Parlement français.
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Le droit à résister et à se révolter constitue un des droits inaliénables parmi les plus anciens à avoir été reconnus aux peuples subissant
l’oppression et les abus de pouvoir de leurs représentants politiques. La Constitution française (article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789) est une des premières constitutions au
monde à avoir reconnu comme fondamental ce droit naturel de l’Homme à lutter pour sa liberté.
La position historique et stratégique qu’occupe la France au Tchad doit symboliser le point de départ du changement annoncé en janvier 2008 par son
Secrétaire d’Etat à la Coopération :
La "Françafrique" est moribonde. Je veux signer son acte de décès. Il ne s’agit pas de faire la morale, mais d’aider au
développement. Or, à cause de défauts de gouvernance dans certains pays, notre politique de coopération, malgré de multiples réalisations, ne permet pas des progrès à la hauteur des efforts
consentis.
La France à la croisée des chemins :
La méthode est simple mais implique que le gouvernement français, sous peine d’être totalement discrédité aux yeux des nations africaines, respecte
sincèrement la ligne de conduite définie dans les discours et autres déclarations de politique générale.
La crise que connaît actuellement le Tchad constitue justement l’occasion idéal pour la France, de prouver sa capacité à mettre en œuvre les objectifs
et les intentions affichés, notamment par le président Sarkozy lors de son Discours de Dakar en juin 2007 lorsqu’il prétendait que «La France ne décidera pas à
votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s’associera à vous pour les construire. »
La France devrait :
1) prendre les responsabilités qui s’imposent à elle du fait de la réalité de sa position sur le terrain et de son implication historique dans les affaires
politiques tchadiennes. L’inaction de la France, prétextant sa neutralité dans le conflit, produirait le même effet négatif qu’une décision affichant clairement sa traditionnelle et constante
solidarité avec le régime du président Déby.
Dans ce deux cas, la France fera alors une nouvelle fois la preuve de l’affaiblissement générale et progressif de son influence en
Afrique.
La nation française portera par ailleurs la responsabilité historique d’avoir, avec l’épisode tchadien, achevé les dernières illusions
qu’entretenaient encore les nations africaines vis-à-vis de la France.
Par ailleurs, la France, si elle choisit de se rallier à l’une de ces deux options, affichera une nouvelle fois son incapacité à
dépasser son statut perçu de fait comme celui d’une puissance dominatrice. L’opinion internationale déplorera l’hypocrisie constante totale de ses dirigeants, l’image pathétique et passéiste de
ce pays s’enorgueillant d’un passé glorieux aujourd’hui révolu, aveuglé par son arrogance et sa prétention à défendre des valeurs qui le servent désormais plus qu’il ne les sert
lui-même ;
2) S’engager clairement à défendre coûte que coûte les droits et les libertés fondamentales de la population Tchadienne tout en participant au maintien de l’ordre
public, garant de la sécurité des populations civiles ;
3) La
France doit remplir un rôle de médiateur entre les parties au conflit et avoir pour seul objectif, la pacification rapide du pays et la mise à
l'écart d'Idriss Deby. Dans un deuxième temps, la France pourrait garantir par sa présence, l’organisation d’élections libres et démocratiques ;
4) La
France doit prouver son attachement à l’Afrique en étant à la hauteur de ses prétentions et faire enfin preuve d’un respect mérité et attendu
par des nations africaines avec qui elle entretient des relations séculaires.
Espérons que les dirigeants français aient pleinement conscience des conséquences historiques qu’engendreront les décisions qui seront prises dans les
heures qui suivent quant à la position qu’adoptera la France face à la crise tchadienne.
En tant que ressortissant français, j’espère pouvoir continuer, demain encore, à revendiquer ma fierté d’appartenir à un pays qui aura finalement su
se montrer franc, digne et respectueux des peuples composants les nations africaines qui, malgré de nombreuses déceptions, sont encore prêtes à lui faire confiance.
Un ressortissant français en Afrique/ marsdak26@yahoo.fr
Pour le Réseau Tchad Média