|
Organisation Non Gouvernementale ayant Statut spécial à
l’ECOSOC aux Nations Unies, membre observateur à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) de l’Union Africaine
|
Rapport
sur la mort de Aliou Badara DIOP au Commissariat de Ndorong à Kaolack
Dès que la nouvelle de la mort de M. Aliou DIOP au commissariat de Police de Ndorong est parvenue à la RADDHO, la section de
Kaolack a ouvert une enquête, car selon la devise de la Raddho on entre dans un commissariat de Police debout et on en sort
debout.
Rencontre avec la famille de la victime
La Raddho a rencontré la famille de la victime notamment sa femme
Diak Fall, plus connue sous le nom de N’dèye Fall, et ses enfants résidents à Kassavile, sa mère et son père. Au domicile du défunt nous avons pu recueillir les témoignages suivants
:
Le mercredi 12 décembre entre 20h et 21h, M. Serigne Ndame Gassama, policier en retraite ci-devant plaignant, s'est présenté à son domicile avec la convocation de police qu'il a remise à M. Aliou
Badara Diop, le sommant de se rendre immédiatement au commissariat de Ndorong. Ce dernier l’a prié de bien vouloir reporter la convocation au lendemain, jeudi matin, ce que le plaignant a rejeté.
Pire, il ne lui a même pas permis de se laver ni de changer la tenue de travail qu'il a portée toute la journée.
Surpris sans doute par l’empressement du plaignant, M.Badara Diop a demandé à sa femme de les suivre aussitôt après pour
s'enquérir de la suite des évènements. C’est ainsi que quelques minutes plus tard, son épouse l'a rejoint au Commissariat de Ndorong. Il venait tout juste de subir les formalités avant d’être
gardé à vue. Les 2 000 Frs trouvés sur lui ont été remis à son épouse à sa demande.
Au moment où sa femme prenait congé de lui, M. Badara Diop lui a demandé de lui
apporter très tôt son petit déjeuner. C'est la dernière fois qu'elle verra son mari vivant.
D’après tous les témoignages recueillis auprès de sa famille, il n'était pas malade, au contraire il était bien
portant.
Le lendemain un gendarme en civil s’est présenté tôt le matin pour poser des questions à la femme de M. Diop, avant de décliner
son identité. Avant de repartir Mme Diop lui a demandé de porter le petit déjeuner de son mari au
commissariat, si c’était sa destination. C'est à ce moment précis qu'il lui a annoncé le décès de son mari Aliou Badara Diop.
Rencontre avec le plaignant M Serigne Ndame GASSAMA
Rencontré chez lui le plaignant nous a tenu ces propos : « je suis vraiment désolé et très traumatisé par le décès de
Aliou Badara Diop qui reste un frère bien que nous ayons eu ce malheureux contentieux. Il avait sollicité mon aval auprès d'une société pour l'acquisition à crédit de deux motos qu'il devait
louer et qu’il a revendues sans m'aviser. La société m'a poursuivi pour cause d’insolvabilité portant sur une somme de 170.000frs sur les 600.000frs dus.
Je suis retraité et à cause de lui je me retrouve dans des difficultés en ce moment de fête ; ma convocation n'avait pour but
que de l'intimider et de faire pression sur lui afin qu'il ne me laisse pas la responsabilité de rembourser l’argent à sa place. Aussi lui ai-je remis la convocation en lui disant que nous devons
nous rendre immédiatement au commissariat. Arrivés au commissariat, nous avons été entendus et on l’a placé en garde à vue. C’est ainsi qu’un rendez-vous a été fixé pour le
lendemain.
Aux environs de 1h du matin j’ai été invité à me présenter immédiatement au
commissariat. Arrivé sur les lieux, j'ai constaté le drame: Aliou Badara venait de se suicider en usant de sa chemise. Le lendemain, j'ai été entendu par la gendarmerie qui diligente l'enquête et
je leur ai tenu les mêmes propos ».
Rencontre avec la
Police
La Raddho a rencontré le Commissaire, chef de service de
l'Arrondissement qui n'a ni confirmé ni infirmé ces informations. Il reconnaît que l'incident a bien eu lieu dans son service mais pour des raisons
liées au secret de l'enquête et à l’obligation de réserve, il préfère laisser l’enquête suivre son cours.
Une autopsie a déjà été faite à Kaolack mais contestée par la famille qui exige qu’une autre autopsie soit faite à
Dakar.
Conclusions et recommandations
La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme exprime sa vive préoccupation par rapport à la récurrence des décès qu’on observe dans les centres de détention des
locaux de la Police de ce pays et qui concernent des gens vulnérables, sans défense et très exposés quand ils sont entre les mains de la Police.
Après le décès pour torture de Monsieur Dominique Lopy dans les locaux du Commissariat de Police de Kolda, c’est le deuxième
décès intervenu dans un commissariat de Police la même année.
Le décès de M. Aliou Badara Diop dans les locaux du Commissariat de Ndorong est également lié à de fortes présomptions de
torture car on doit entrer debout dans un Commissariat de Police et en sortir debout.
La RADDHO exige :
-
qu’une autopsie du corps de la victime soit organisée en toute indépendance dans des conditions qui réunissent toutes les
garanties d’une objectivité scientifique ;
-
qu’une enquête judiciaire soit immédiatement ouverte conformément aux dispositions de la Convention contre la Torture, pour
que toute la lumière soit faite sur cette mystérieuse affaire ;
-
la présence d’un avocat à toutes les procédures de l’enquête ;
-
un audit de tous les centres de détention de la Police, de la Gendarmerie et des prisons afin de créer les conditions qui
permettent au Sénégal de remplir ses obligations internationales en la matière dans les meilleurs délais ;
-
la mise en place dans les plus brefs délais du Mécanisme de prévention de la torture du Protocole additionnel pour renforcer
la protection des individus contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants.
Fait à Dakar le 16 Décembre 2007
Le Secrétariat général