Dakar: Déclaration de la RADDHO pour la DUDH du 10-12-2007
CONFERENCE DE PRESSE
La Situation des Droits humains en Afrique de l’Ouest en 2007
Cas du Sénégal, de la Gambie, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie
Cette Conférence de presse s’inscrit dans le cadre de la Célébration du 59ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 Décembre 1948.
La Mission de la RADDHO s’appuie sur les principes fondamentaux de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Il faut souligner que c’est depuis l’adoption de cette Déclaration qu’a commencé à se constituer un véritable système international de promotion et de protection des Droits humains qui a connu une évolution rapide et spectaculaire au plan universel, régional et national.
Néanmoins, la DUDH est une affirmation de principe doté d’un pouvoir moral, mais dépourvue de pouvoir juridique. Deux traités ont élaborés pour transformer les principes de la DUDH en obligations de nature juridique pour les Etats qui les ratifient : il s’agit des deux (2) Pactes internationaux dont l’un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté le 03 janvier 1976 (ratifié par le Sénégal le 14 juillet 1978) ; et l’autre relatif aux droits civils politiques, adopté par l’Assemblées générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 (ratifié par le Sénégal le 24 février 1978).
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est assorti de deux (2) Protocoles facultatifs, adoptés le 16 décembre 1966 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. En ratifiant le premier Protocole, les Etats reconnaissent la compétence du Comité en charge de recevoir les communications ou plaintes des particuliers qui prétendent être victimes. Le deuxième Protocole facultatif, adopté le 15 décembre 1989 et entré en vigueur le 13 juillet 1990, concerne l’abolition de la peine de mort.
Le Sénégal :
Après les élections présidentielles de février et législatives d’avril 2007, tous les acteurs de développement s’attendaient à ce que les hommes politiques se mettent au travail pour faire face à la hausse généralisée des prix des produits de première nécessité, l’inflation économique, la crise sociale et la problématique de l’immigration clandestine.
Mais au regard de la situation actuelle du pays, force est de constater un certain désenchantement dû au blocage du dialogue politique, à la restriction des droits civils et politiques mais aussi à la non jouissance des droits économiques, sociaux et culturels (nourriture, éducation, travail, santé, logement, eau potable, assainissement, hygiène, etc.)
Malgré les efforts inlassables entrepris par la Société civile pour que les acteurs politiques s’assoient autour d’une table, les élections législatives ont été organisées sans l’opposition significative, le pouvoir ayant refusé le dialogue et l’opposant dénonçant les dérives qui remettent en cause le fonctionnement démocratique d’une république.
Les libertés d’expression et de presse
Depuis l’alternance politique du 19 mars 2000 il a été constaté que le régime en place a toujours entretenu des rapports très heurtés avec la presse ; on se rappelle de l’arrestation de Madiambal Diagne, de la convocation à la Police d’autres journalistes, les menaces de mort contre Abdou Latif Coulibaly, ainsi que la perquisition des locaux du groupe Sud-Communication, la suspension de la transmission radiophonique et l’arrestation de ses leaders.
Parmi les cas les plus récents, on peut citer l’arrestation, le 08 octobre 2007, du Directeur de publication de « L’Exclusif » Moussa Guèye et de Pape Moussa Doukar du même organe ; de Pape Amadou Gaye, Directeur de publication du journal «Le Courrier » le 01 novembre 2007 et, enfin, celle du Coordonnateur de Rewmi.com, El Malick Seck, le 07 novembre 2007.
Et pourtant, l’article 8 de la Constitution du Sénégal, ainsi que l’article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 décembre 1948 protégent la liberté d’expression.
En fin janvier 2006, à l’occasion de la marche de l’opposition pour le respect du calendrier républicain et des institutions républicaines, la RADDHO a constaté un déploiement exceptionnel des forces de l’ordre destiné à marquer la volonté des autorités à réprimer sans discernement la manifestation. En conséquence, le 1er Secrétaire du Parti Socialiste, Ousmane Tanor Dieng, le Secrétaire Général de l’AFP, Moustapha Niasse, le Secrétaire Général de la LD/MPT, Abdoulaye Bathily, ainsi que Amath Dansokho du PIT et d’autres leaders ont été arrêtés et embarqués manu militari après avoir subis des brutalités policières.
La RADDHO avait vivement condamné la violation de la liberté de manifestation consacrée par la Constitution du 07 février 2001, en son article 8 et la Déclaration de Bamako de la Francophonie pour une vie politique apaisée (cf. principe 13, relatif au large consensus démocratique sur les textes et décisions fondamentales en matière d’élection).
La Justice
Au Sénégal, le pouvoir judicaire est consacré par le titre VIII, composé des articles 88 à 94 de la Constitution du 07 février 2001, où il est spécifiquement indiqué dans l’article 88 que « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif…. Le pouvoir judiciaire est exercé par le Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation, la Cour des Compte et les Cours et Tribunaux ».
La solennité du serment que prête un nouveau magistrat dénote certains devoirs immuables qui le lient tels que l’impartialité, le droit de réserve et l’indépendance.
Ces principes d’impartialité et d’indépendance répondent à l’article 10 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui dit en substance que toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant.
Si les juges doivent prendre des décisions, quelles soient populaires ou impopulaires, ils ne doivent être soumis à aucune pression politique, économique ou religieuse.
Par rapport à leur choix, il faut qu’ils puissent être sélectionnés et promus sur la base du mérite par une structure indépendante, habilitée et compétente à prendre en charge les intérêts et les préoccupations des magistrats.
L’indépendance de la justice a été sérieusement ébranlée dans l’affaire des audits au lendemain de l’alternance. L’arrestation, l’inculpation et la libération de l’ancien 1er Ministre Idrissa Seck est une parfaite illustration de l’immixtion du pouvoir politique dans le pouvoir judiciaire.
De même que la composition et le fonctionnement du Haut Conseil de la Magistrature pose problème quant à l’indépendance et à la bonne gestion de la carrière des magistrats.
L’Impunité
Au Sénégal, tout se passe comme si l’impunité est érigée en règle. Dans beaucoup de cas où des agents des forces de l’ordre ont été indexés, il n’ y a pas eu de suite. On se rappelle des cas de Ouakam, le 26 novembre 2006 où les nommés Serigne Boubou Ndoye, El hadj Malick Samb, Ousmane Ndiaye, Margo Samb et Bineta Guéye ont été sauvagement torturés avant d’être acheminés vers les locaux de la gendarmerie de Ouakam, à la suite d’une marche que les populations de la localité avaient organisée pour dénoncer la gestion foncière de la commune. Des sanctions administratives, encore moins judiciaires, n’ont jamais été prises.
Il en est de même que pour le cas du jeune Koldois du nom de Dominique Lopy, âgé de 23 ans, accusé de vol d’un poste de téléviseur qui a été arrêté et gardé en vue au Commissariat de Kolda, le 12 avril 2007. Il y est entré vivant et en est sorti mort.
Depuis la demande d’autopsie du Procureur de la République, suite à la réaction des Organisations des droits de l’Homme telle que la RADDHO, rien n’a été fait pour faire avancer le dossier.
Malgré la lettre que le Secrétaire Général de la RADDHO a envoyé, le 02 octobre 2007, au Ministre d’Etat, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice, l’affaire n’avance pas et les policiers qui étaient impliqués dans l’enquête sont toujours en attente, pire certains d’entre eux ont fait l’objet d’affectation.
L’affaire Hussein Habré
Le 19 septembre 2005, le juge d’instruction belge Daniel Fransen, en charge de l’affaire, a délivré un mandat d'arrêt international pour violation massive des droits de l’homme à l'encontre de l'ancien Président tchadien Hissène Habré qui vit en exil au Sénégal depuis 1990, date de la chute de son régime. Les autorités sénégalaises saisies, ont mis du temps pour examiner la demande d’extradition. Le Président de la République Me Abdoulaye WADE annonce qu’il consulterait ses pairs africains avant de prendre une décision sur l’extradition.
Le 13 Novembre 2005, le Ministre de la Justice a saisi le Procureur Général près la Cour d’appel de Dakar du dossier d’extradition. Monsieur Hissène Habré est arrêté et entendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Dakar.
Annoncé pour la première fois, le Lundi 21 novembre, le délibéré de la Cour d’appel ne sera prononcé que le 25 Novembre 2005. La Cour d’appel de Dakar s'est déclaré incompétente pour donner un avis sur l'extradition de Hissène Habré vers la Belgique. Le Samedi 26 novembre 2005, fut publié arrêté du Ministre de l'Intérieur numéro 007739 du 25 novembre demandant Habré de quitter le Sénégal et en le mettant à la disposition du Président de l’Union africaine, son Excellence Olusegun Obasanjo, ancien Président de la République Fédérale du Nigeria.
Malgré l’adoption d’une loi par l’Assemblée Générale permettant de juger Hussein Habré, la gestion de ce dossier a beaucoup traîné. Cependant, le Collectif des ONG pour le jugement équitable de Hussein Habré continue de veiller au grain.