Interview de Makaila Nguebla

Il est important de ressortir les responsabilités. La partie tchadienne est impliquée d’une part. Et d’autre part, la partie française. Nous, opposants tchadiens en exil, n’apprécions
pas la manière dont la question est traitée. Nous demandons à ce qu’on laisse le soin à la justice tchadienne d’instruire le dossier afin que les responsabilités soient situées.
Parlant de responsabilité, vous pointez du doigt les autorités Tchadiennes. Qu’est-ce qui fonde vos accusations ?
Je me suis fondé sur des sources concordantes de Ndjaména et de la presse internationale. Le président Idriss Déby avait rencontré Eric Breteau, le président de l’Arche de Zoé, au Tchad dans des
conditions qui n’étaient pas officielles. Alors même qu’en France, le ministère des Affaires étrangères interdisait cette opération. Cela signifie qu’il y avait tout de même une connexion avec
Ndjaména. Et au moment où l’affaire a éclaté, Ndjaména s’est rétracté. Aujourd’hui, on évacue la responsabilité des autorités tchadiennes. On ne parle que des Tchadiens qui ont été arrêtés dans
cette affaire. Nous pensons que les responsabilités doivent être situées jusqu’au niveau le plus élevé. Cette affaire a une implication internationale qu’il faut cerner pour que plus jamais de tels
actes ne se répètent.
Vous évoquez également des responsabilités côté français, quelle lecture faites-vous de la dernière sortie de Nicolas Sarkozy sur cette affaire ?
Comme moi, beaucoup d’autres opposants tchadiens étaient scandalisés par les propos de M. Sarkozy. Le président français a dit clairement qu’il venait chercher ses concitoyens afin de
les juger en France. Dimanche dernier, il était à Ndjaména et en deux heures de temps, il a fait libérer les trois journalistes français et promet de revenir libérer les autres ressortissants
français.
Cette démarche remet en question la souveraineté tchadienne. C’est là, un cas qui nous préoccupe. Je pense qu’au Tchad Sarkozy a la mainmise sur le président Idriss Deby, c’est ce qui explique sa
démarche. En 24h, il rentre en France et tient des propos aussi arrogants à l’égard des tchadiens, notamment de la justice tchadienne. Nous condamnons fermement cette démarche ainsi que les propos
de Sarkozy. Et pensons que c’est un manque de respect à l’endroit des dirigeants africains. Nous lançons un appel au président Abdoulaye Wade à qui nous demandons d’intervenir.
Pourquoi Wade?
Parce que par le passé, le président Abdoulaye Wade s’est illustré comme étant le chantre de la résolution du conflit malgache, ivoirien… Concernant, la Côte d’Ivoire, les protagonistes s’étaient
réunis à Dakar avant d’aller à Marcoussis.
Je pense qu’Abdoulaye Wade est le seul qui peut aider les tchadiens à régler ce problème. Actuellement il y a blocage au Tchad à cause des négociations en aparté qui n’ont abouti à rien. C’est le
cas des accords signés à Ndjaména et à Tripoli. Ces accords ne tiennent compte ni de l’opposition, ni de la société civile. C’est pourquoi nous estimons que l’intervention de Wade pourra nous mener
vers un dénouement heureux dans cette affaire.
Avez-vous pensé aussi à l’Union Africaine ?
L’Union africaine est au courant de ce qui se passe au Tchad. Mais elle reste passive face à la situation. Nous déplorons aussi le fait qu’elle ait cautionné les élections antidémocratiques
d’Idriss Déby en 2006. L’Union africaine a toujours condamné l’opposition Tchadienne. Jusqu’à aujourd’hui, elle n’a jamais ouvert le dossier tchadien. Nous n’accusons pas. Mais nous nous
interrogeons sur : comment une structure internationale, et de surcroît panafricaine, peut voit venir un danger vers un peuple essoufflé, comme le peuple Tchadien sans intervenir ? C’est pourquoi
nous pensons que seul Me Abdoulaye Wade pourrait, par son charisme, amener les gens à être soucieux de la question tchadienne.
Propos recueillis par Bineta DIAGNE