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Publié par Mak

Tchad: La Vision et le Plan National de Développement (PND 2017-2021): de la mauvaise gouvernance du début à la fin Ou la victoire des lèches-bottes (partie 1)

La Vision et le Plan National de Développement (PND 2017-2021): de la mauvaise gouvernance du début à la fin

Ou la victoire des lèches-bottes (partie 1)

 

L’élaboration d’une vision et d’un plan de développement économique et sociale d’un pays est une occasion de débats pour s’accorder sur le devenir à long et moyen terme d’un pays. C’est dans ce cadre que l’approche participative est le plus souvent promue: administrations publiques, populations à la base, universitaires, organisations de la société civile, agents économiques, hommes politiques et même partenaires techniques et financiers sont consultés sur le devenir du pays, sur les faiblesses, sur les priorités et sur la façon dont il faut éviter les écueils du passé.

Au Tchad, l’élaboration de la vision du Tchad et de son plan quinquennal a été l’occasion pour le Gouvernement et, à sa tête, Déby, de tergiverser, de se jeter des peaux de bananes mais surtout, de fermer hermétiquement les oreilles aux diagnostics et aux orientations souhaitées par le peuple et les partenaires techniques et financiers.

 

Il faut d’abord rappeler que le processus d’élaboration d’une vision prospective au Tchad a connu des soubresauts qui remontent depuis le début des années 2010. D’abord dans le cadre d’un contrat fumeux avec un cabinet international qui a, dans une certaine opacité, posé un diagnostic sans complaisance des différents secteurs porteurs de l’économie nationale avant de proposer des scénarios d’évolution de la société tchadienne. En pleine période de boom des cours du pétrole, ce processus aurait pu permettre d’identifier et de mettre en oeuvre les grandes orientations qui ont été identifiées. Mais c’est sans compter avec les luttes de positionnement entre les différents clans gravitant autour du Président et le griotisme de certains ministres qui n’ont pas aimé certaines analyses. Le feu Ministre Ngata Ngoulou, fraichement débarqué de son poste de Secrétaire Général de la BEAC, chargé du dossier a été fortement combattu, les acteurs voyant en lui, le futur responsable de la mise en oeuvre de la vision Tchad 2025. Il fallait alors, pour Nadingar, réagir et réagir vite. Nadingar a vite fait de sortir Bedoumra Kordje de son sac pour l’imposer comme Ministre du plan. Ce dernier s’est empressé d’enterrer le document de vision qui était à sa phase de finalisation, expliquant, du haut de son expérience d’ancien vice-président de la BAD, que la Vision n’était pas une priorité. Et Bedoumra a accouché difficilement d’un Plan National de Développement 2012-2015 du fait de sa méconnaissance totale des réalités du terrain. Entre les intrigues de ses collaborateurs qui en ont fait une affaire juteuse et ses délais irréalistes, il fut accouché d’un document vite classé dans les tiroirs, parce que l’infrastructure de sa mise en oeuvre n’était pas en place. Et la vision Tchad 2025 et le PND furent enterrés.

 

Ce fut ensuite le tour de Mariam Mahamat Nour de prendre la relève en pleine période de crise financière liée aux affaires Glencore et à la baisse des cours du pétrole. Il n’était pas aisé de formuler une vision dans ce contexte. Les travaux trainèrent à la grande joie des responsables des dossiers qui, eux, ne pouvaient souffrir de reporter les émoluments liés à ce projet. Entre 2016 et 2017, aucune base de travail n’était possible d’être définie. Et les seuls plans qui pouvaient retenir l’attention étaient (i) comment passer l’étape des élections et (ii) la mise en oeuvre des 16 mesures, qualifiées par beaucoup de meurettes prises et assumées par Abdoulaye Fadoul et ses petits coquins d’amis, au grand dam du Premier Ministre et des ministres de finances et du plan de l’époque et de leurs collaborateurs respectifs.

 

Mais la communauté internationale ne pouvait se satisfaire d’une politique antisociale (qui n’a d’ailleurs rien donné de concret) comme d’une boussole. La pression aidant, Mariam Mahamat Nour arrive, avec ses collaborateurs à finaliser fin 2016 un document qui, soumis à la critique de la communauté des bailleurs, reçus, les observations tant techniques que de fonds. La communauté des bailleurs, de même que les techniciens des départements ministériels étaient globalement satisfaits du diagnostic posé, qui ne laissait aucun doute sur la responsabilité de la mauvaise gouvernance dans les faibles progrès enregistrés au niveau des indicateurs socioéconomiques et des classements internationaux.

 

Les documents transmis à la présidence de la République déplurent au plus haut niveau les responsables, en sa tête Bedoumra Kordjé à l’époque Secrétaire Général à la Présidence, le même, qui ne pouvait pas souffrir de présenter à son chef un document qui met sur la sellette la gouvernance de celui qui voulait le porter à la tête de la Banque Africaine de Développement. Et l’affaire de la vision et de son plan quinquennal devint alors une affaire hautement politique, dont il ne fallait pas évoquer à voix haute. Une tentative de réécriture du PND a alors été engagé par Bedoumra et son cabinet. Il se murmure que la faible vigilance de Mariam Mahamat Nour à nettoyer ce qui est « politiquement incorrect », (plutôt son honnêteté) lui a valu son départ du Gouvernement. L’arrivée de Ngueto, ex-administrateur au FMI ne pouvait améliorer la procédure. Ce dernier s’entoura d’une petite équipe qui devait dépouiller les documents de tout ce qui pouvait mettre le raïs hors de lui. Et le processus d’élaboration de la vision et de son plan quinquennal, lancé à grande pompe en début 2015 pris fin en juillet, sans tambour ni clairon, c’est à dire deux ans et demi plus tard. Mais toujours dans la contestation puisque certains ministères ne se retrouvaient pas dans les orientations plusieurs fois dénaturées et n’ont pas hésité à l’exprimer jusque dans la salle du conseil des ministres.

 

 

Ce conseil des ministres destiné à adopter les deux documents (Vision et PND) organisé le 8 août 2017 était-il un hasard de calendrier, ou bien une date retenue pour faire plaisir au roi-président comme cadeau pour commémorer ses promesses électorales, lui qui s’est réinstallé exactement un an plus tôt? Dans tous les cas, c’était sans compter avec la société civile et les partis politiques qui annoncèrent le même jour l’organisation d’un boycott de la table ronde de Paris destiné à la mobilisation du financement du PND.

 

Il y a urgence en la demeure: les 16 +N mesurettes ne donnant aucun résultat à la lumière des analyses du FMI, la communauté des bailleurs ne peut continuer à naviguer à vue avec le gouvernement, même si elle a accepté de fermer les yeux depuis quelques deux années, contre toute logique, à octroyer des aides budgétaires au Gouvernement, afin que leur mentor de la lutte contre le terrorisme ne manque de ressources pour financer l’armée tchadienne, mercenaire envoyé partout où besoin de chair à canon est demandé par la France. Alors, point besoin de consulter l’Assemblée Nationale, il faut aller vite à la table-ronde de Paris du 6 au 8 septembre 2016.

 

Mais aller à Paris pour présenter quoi? Pour dire quoi?

 

De tout ce qui précède, que reste-t-il des orientations et de la vision du peuple pour l’avenir du Tchad après avoir trituré toutes les analyses et biaisées toutes les orientations données en terme de lutte contre l’impunité, la gabegie, les entorses aux libertés, les priorités en termes de développement. La vision, pompeusement intitulé « le Tchad que nous voulons » exprime-t-elle la volonté d’un peuple ou d’un individu? Le plan quinquennal et sa table-ronde sont-ils pour satisfaire les partenaires techniques et obtenir leur financement ou pour réellement vendre le Tchad et redresser le pays?

 

La suite, dans la prochaine rubrique sur la question

 

Ratou Ben Ngara