Tchad : Et demain ?
Les réflexions les plus objectives présentent le Tchad comme un Pays engagé sur une mauvaise pente, un espace géographique caractérisé par une importante concentration de fléaux divers, dont les plus terribles sont l’ignorance, la misère, l’injustice et une mentalité de prédation qui, à partir des confins septentrionaux et orientaux du Pays, vampirise l’ensemble du territoire et réduit l’écrasante majorité des tchadiens à une existence médiocre, sans aucune pointe d’espoir à l’horizon, et dans des conditions de vie des plus exécrables.
Le Tchadien, un être fort simple, est loin d’être étranger au malheur qui l’accable. Cela peut surprendre, mais c’est pourtant la vérité, une vérité à peine voilée. En effet, la constance des communautés tchadiennes, c’est cet instinct grégaire qui s’appuie sur des bases pernicieuses, et condamne l’individu à régler sa lorgnette sur une courte vue. La famille, puis la tribu. Le reste ne compte point. La nation, ici, n’existe guère. Elle est remplacée par une mosaïque hétéroclite de communautés juxtaposées. On imagine mal un sara du Sud se mariant à une gorane du Nord avec la bénédiction des parents. Quel archaïsme ! Mais l’auteur de ces lignes sait d’avance que beaucoup, à la lecture de ce passage, auront ce triste sourire de condescendance qui est l’ultime preuve, si besoin en est, qu’au Tchad de nombreux esprits demeurent encore sous l’emprise de ces barrières désuètes qui empêchent les hommes de s’unir dans la fraternité. Ces mêmes barrières qui ont séparé, sur la base de la couleur de la peau, des hommes et des femmes que réunissait tout le reste.
Cette conscience d’appartenir d’abord à l’espace très réduit du clan a été mise à profit par des politiciens infâmes qui exploitent au mieux les dissensions et dont la longévité au pouvoir est positivement corrélée aux tensions inhérentes aux propensions à l’exclusion auxquelles conduit l’instinct grégaire sous sa forme sus-décrite. Telle est, à notre avis, la source du mal tchadien. L’exacerbation des injustices liées à l’exercice du pouvoir sous sa forme la plus inacceptable, la forme clanique, est donc un succédané de ces lignes de clivage séculaires. Le malheur du Tchad, c’est d’être gouverné par des abrutis qui n’ont pas le cran de proposer un nouveau type de rapports entre tchadiens, et auxquels manque le courage de traiter au même titre leurs proches et le reste des tchadiens. C’est que ces piètres dirigeants n’oublient pas que les artisans véritables de leur présence à la tête du pays se recrutent dans les rangs du clan. Les élections ne comptent que pour ce qu’elles sont : une mise en scène destinée à rendre le régime plus acceptable sur la scène extérieure
Mais que fait, pendant ce temps, l’opposition ? Nous ne parlons pas de l’opposition armée qui a perdu toute crédibilité et dont les ténors sont en fait d’anciens dignitaires du régime accompagnés dans le maquis par une cohorte de combattants recrutés sur une base essentiellement tribale. L’existence de cette opposition-là démontre davantage les ratés internes du régime que des problèmes de plus grande échelle. Non, ces pantins là ne nous intéressent pas. Nous parlons de l’autre opposition, ce qu’on appelle l’opposition démocratique, plus largement représentée dans les différentes communautés et couches de la société tchadienne. Force est de constater que celle là aussi ne vaut guère mieux. De nombreuses accointances avec le régime en place nous prouvent que ses dirigeants sont plus prompts à défendre becs et ongles leurs intérêts égoïstes que ceux du Peuple. Cette opposition est en réalité composée de quelques intellectuels aux convictions douteuses (à une ou deux exceptions près) et de marionnettes remarquablement ineptes qui n’ont même pas le courage d’émettre le moindre son de protestation lorsque Deby assassine l’un des plus grands espoirs du Tchad, pourtant issu de ses rangs, en la personne de feu Dr. Ibni Oumar Mahamat Saleh.
L’avenir est donc incertain. Le Tchad de demain risque d’être un pays déchiré, misérable (Deby et son clan ont fait main basse sur les ressources du pétrole, c’est définitivement admis par tous), lamentablement servi par ses fils. Cette vaticination pessimiste s’accomplira si aujourd’hui, nous jeunes tchadiens, ne réalisons pas la nécessité de rompre avec les tendances courantes, quelles que soient leurs formes, d’intégrer une lutte plus saine, avec des objectifs plus crédibles autour de la libération et l’épanouissement définitifs du Peuple dans son ensemble. Ce qu’il faut proposer c’est donc un changement radical par le biais d’une prise de conscience totale relative aux vrais problèmes de notre société, de leurs sources qui sont d’abord sociologiques, et dont la résolution nécessite une prévalence des lois de la Républiques sur toutes les sensibilités archaïques qui servent de base à toutes les dérives.
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Lire aussi le poème du même auteur
Ode subversive
Deux décennies déjà
Que dure l’histoire
La morale de celle-là
Est un immense déboire.
Autrefois asservi
Par un despote ubuesque
Mon Peuple aujourd’hui
Végète dans le burlesque.
Mais l’Histoire retiendra
Dans ses pages les plus noires
Une trahison par delà
Les promesses dérisoires.
Les rois qui règnent ici
Nous rappellent presque
Ces dictateurs enfuis
Par leurs manières grotesques.
Des mots, il faut voir au-delà
Car la preuve notoire
De cette ressemblance-là
Consignée aux boudoirs
Certes n’en surgira pas.
Un discours fut fait
Devant une grande assemblée
On promit l’ataraxie
Mais à un Peuple soumis.
L’argent, avait-on dit
Ne sera pas de la partie
On garderait même l’or
Mais le sacrifice est de nos vies
Comme le prouvent nos morts.
Il y eut d’abord Behidi
Et dans son sillage Ibni
Et cette masse d’inconnus
Que la camarde goulue
Attira dans son nid.
L’échec est donc vaste
Sur ces deux décennies
Mais la tricherie est faste
Dans le camp des nantis.
Pour consoler le Peuple
De ces promesses non tenues
Et damasquiner les meubles
De ses rêveries ingénues
On construisit des routes
A tours de bras on bâtit
Mais c’est déjà la déroute
Car le Peuple a compris.
Nos pieds nus écorchés
N’ont guère besoin d’asphalte
Pour suivre les sentiers
Longtemps suivis sans halte
A la recherche d’un espoir
Coursé matin et soir.
On a compris aussi
Que l’entente sinistre
Dans laquelle sont unis
Derrière les paraphes des ministres
Ces va-t-en-guerre nihilistes
Et leurs alliés impérialistes
A décidé de condamner
Mon Peuple et ma Patrie
A subir les effets
De la misère et l’ennui.
Depuis quand déjà
Sombrons-nous dans les ténèbres ?
Et toi, N’djamena
A quand la lumière des vêpres ?
Déjà notre pâle existence
Embrasse les formes de la survie
Il n’ya plus d’espérance
Que dans l’est du Pays.
Mais les autres alors,
Doivent-ils se taire toujours ?
Supporter cette misère
Par laquelle ils sont frères ?
Tel n’est pas mon destin
De simple écrivain
Car ma plume d’airain
Lèvera le levain
Qui sommeille en notre sein
Du soulèvement certain.
N’djamena, 22 Août 2009